Le fonctionnement des réacteurs nucléaires

C’est dans un réacteur nucléaire qu’on utilise la fission nucléaire pour produire de l’énergie. Il y en a de nombreuses variantes: la plupart immergent des barres d’uranium enrichi dans l’eau et utilisent du graphite pour moduler la réaction, d’autres vont utiliser de l’uranium naturel comme combustible et de l’eau lourde comme caloporteur (= pour transporter la chaleur) … C’est la partie la plus importante d’une centrale nucléaire.


C’est le coeur des centrales nucléaires, là où la fission nucléaire se produit: le réacteur nucléaire. Ici, le matériau fissible va être agité et maintenu sous contrôle pour produire de la chaleur. Nous allons voir:

  1. Le fonctionnement général du réacteur nucléaire
  2. Les différentes générations de réacteurs nucléaires
  3. Une innovation récente: les SMR (Small and Medium Reactors)

Le fonctionnement général du réacteur nucléaire

Pour se « lancer », le combustible fissile doit être percuté par des électrons. Un matériau radioactif, comme le californium est utilisée. La réaction est ensuite contrôlée grâce à des « barres de contrôle » composées d’une matière retenant les électrons. En cas d’incident, toutes les barres de contrôle descendent et stoppent instantanément la réaction en chaîne. La réaction en chaîne produit une grande quantité de chaleur, il faut donc un liquide caloporteur qui va venir la capter et la transporter jusqu’à ce qu’elle soit valorisée par la turbine. En France, il s’agit d’eau. On parle de réacteur à eau sous pression (REP). Le combustible doit être régulièrement renouvelé. D’une part, il peut s’épuiser au bout d’une longue période : de 3 à 5 ans dans un REP. D’autre part, la corrosion et les radiation peuvent endommager la gaine étanche contenant le combustible.

Il y a toujours ce triptyque, combustible, modérateur et caloporteur, qui va définir l’essence de la technologie utilisée: la filière.

Les filières de réacteurs nucléaires

Une filière nucléaire inclut en principe le cycle de production global (extraction, transformation, utilisation, traitement), mais, par simplification, on utilise ce terme pour désigner les grands types de réacteurs nucléaires, selon trois éléments:

  • Le combustible. Il peut s’agir d’uranium naturel, ce qui était courant au tout début du nucléaire civil, mais il s’agira le plus souvent d’uranium enrichi. Il peut aussi s’agir d’un mélange retraité, le MOX. De nouvelles technologies de réacteurs utiliseraient d’autres combustibles, comme le HALEU, le TRISO, le thorium et d’autres.
  • Le modérateur, dans réacteurs à neutrons « lents » : on ralentit les neutrons. En général, c’est le rôle de l’eau, mais le graphite (notamment dans la centrale de Tchernobyl) a aussi été utilisé pour cela (et on l’utilise, dans les réacteurs à eau, comme barres de contrôle).
  • Le fluide caloporteur. Il peut s’agir non seulement de l’eau, mais aussi de métal liquide ou de gaz (gaz carbonique, hélium par exemple).

Les principales filières en activité aujourd’hui sont:

  • REP et REB, réacteurs à eau sous pression ou à eau bouillante. Ce sont les principales technologies, représentant plus de 85% de la puissance installée dans le monde (respectivement 67,4 % et 22,5 %). De l’eau sous pression dans circuit fermé, le circuit primaire, sert à la fois de modérateur et de caloporteur. Le combustible est de l’uranium enrichi.
  • RMBK, « Reactor Bolchoie Molchnastie Kipiachié ». Représente 3,4 % de la capacité installée et se trouve encore utilisée en Russe.Ancienne technologie peu utilisée: c’était celle ayant abouti à l’accident de Tchernobyl en 1986.
  • Candu, « CANada Deuterium Uranium ». Cette filière, développée, par le Canada, utilise de l’uranium naturel et de l’eau lourde comme modérateur. Elle représente 6,1% de la puissance installée.
  • Les réacteurs refroidis au gaz (GCR), dont il ne reste que les AGR (Advanced gaz cooled reactor), des réacteurs britanniques refroidis au gaz inspirés du Magnox. Les premiers réacteurs français et britanniques étaient de cette filière, avec respectivement les modèles UNGG (« Uranium naturel graphite gaz ») et le Magnox britannique. Ces deux derniers utilisaient du graphite comme modérateur, du CO2 comme caloporteur et de l’uranium métallique non-enrichi comme combustible. Ils sont maintenant obsolètes. Seuls 8 AGR britanniques (6 ont été fermés en 2021 et 2022), représentant une puissance de 4,9GW, subsistent.

Enfin, il y a des filières émergentes:

  • Les Réacteurs à Neutrons Rapides (RNR) ont commencé à être étudiés dans les années 50, le premier prototype étant né aux États-Unis en 1951 (l’EBR-1). La technologie commençait à se développer dans les années 80, mais a été stoppée par la découverte de nouveaux gisements d’uranium et le ralentissement général de la filière l’ont arrêté. Des réacteurs de ce type fonctionnent en Russie et au Japon. Leur particularité est qu’ils n’utilisent pas de modérateurs, ce qui leur permet d’utiliser de nombreux types de combustibles. Il y a de nombreux types de RNR.
  • Les réacteurs à haute température (HTR), utilisant de l’uranium enrichi comme combustible, de l’hélium comme caloporteur et du graphite comme modérateur. Les réacteurs nucléaires à lit de boulets (Pebble Bed Reactors, PBR) sont un type de réacteur à haute température (High Temperature Reactors, HTR) qui utilisent des boulets contenant du combustible nucléaire TRISO pour générer de l’énergie.

Les différentes générations de réacteurs nucléaires

Il y a 4 générations de réacteurs.

La première génération de réacteurs

Les réacteurs de première génération comprennent les réacteurs mis en service à partir des années 50: UNGG, Magnox et les premiers REP américains. En France, Chooz A, a été le premier à utiliser cette filière et mis en ligne en 1967, test pour la seconde génération lancée par le plan Messmer..

L’actuelle: les réacteurs de 2e génération

La plupart des réacteurs actuels, conçus après 1970, sont dits de seconde génération. C’est par exemple le cas des réacteurs à eau sous pression lancés par le plan Messmer en France.

La 3e génération de réacteurs (EPR …)

Conçue après l’accident de Fukushima, la troisième génération de réacteurs met l’accent sur la sécurité, prenant même en compte des risques comme le détournement aérien. Il y a notamment trois modèles actuellement:

  • Un français, l’EPR d’Areva
  • un américano-japonais, l’AP1000
  • un russe, le VVER-TOI

De plus en plus de ces réacteurs sont en cours de construction actuellement.

Les réacteurs de 4e génération: le combustible infini

La 4e génération de réacteurs nucléaires s’annonce plus durable et efficace que les précédentes, avec des systèmes radicalement différents. Par exemple, 3 des 6 réacteurs sélectionnés pour être la 4e génération de réacteurs par le Forum Génération IV sont à « neutron rapides ». Ils n’utilisent pas de modérateur. Ce type de réacteur permet de fissionner de nombreux combustibles: tout type de plutonium, tout type d’uranium et même de transmuter certains actinides mineurs, qui sont parmi les principaux acteurs de la radioactivité des déchets nucléaires. Ainsi, on aurait un combustible quasiment infini et les déchets nucléaires seraient encore plus faciles à gérer qu’aujourd’hui.

C’était la technologie du défunt projet français Superphénix.

Petits réacteurs modulaires (PRM, ou SMR en anglais)

De nombreux projets travaillent aujourd’hui à développer des petits réacteurs pouvant être produits à la chaîne, en usine: les petits réacteurs modulaires (PRM), ou Smal Modular Reactors (SMR) en anglais. Cela faciliterait énormément l’accès à l’énergie nucléaire: les réacteurs seraient moins chers, meilleurs et plus rapides à construire, leur installation demanderait moins de main d’oeuvre et il serait possible de décentraliser davantage la production d’électricité, favorisant la cogénération. Un horizon assez fantastique que je détaille dans l’article sur les Petits Réacteurs Modulaires.


Pour aller plus loin:

  • CEALes filières de réacteurs nucléaires
  • Tristan Kamin, « Filières de réacteurs nucléaires », https://doseequivalentbanana.home.blog/2019/02/14/filieres-de-reacteurs-nucleaires/