Combustible nucléaire: l’uranium enrichi et son cycle

Aujourd’hui, le principal combustible nucléaire est l’uranium enrichi. Extrait dans de nombreux pays, il doit passer par plusieurs traitements pour pouvoir être utilisé comme combustible: d’abord transporté sous forme de « Yellow cake », il est fluoré pour, sous forme de gaz, passer dans une centrifugeuse qui sépare l’uranium 238 et 238. En effet, le second isotope ne représente que 0.7% de l’uranium naturel, alors qu’il en faut 3.5%. Une fois enrichi, le gaz et défluoré et transformé en oxyde d’uranium (UOx), puis utilisés dans de longs tubes en alliage de zirconium. Une fois utilisé, une partie peut être recyclée en récupérant le plutonium (MOx) ou en enrichissant de nouveau l’uranium (URE).

L’extraction de l’uranium

Les carrières d’uranium dans le monde

L’uranium est extraits par des procédés physiques ou chimiques (lixiviation in situ). Une fois extrait, le minerai est concentré et préparé sous forme de « yellow cake » (une pate jaune faisant penser à de la semoule) ou d’octaoxyde de triuranium (U3O8), une poudre grise.

Travailleur manipulant du Yellow Cake
Yellow Cake

Actuellement, d’après la World Nuclear Association, les principaux pays producteurs sont (en 2021) :

  • Le Kazakhstan (45.14%, 21.82Kt)
  • La Namibie (11.9%, 5.75Kt)
  • Le Canada (9.71%, 4.69Kt)
  • L’Australie (8.67%, 4.2Kt)
  • L’Ouzbékistan (7.24%, 3.5Kt)
  • La Russie (5.45%, 2.6Kt)
  • Le Niger (4.65%, 2.25Kt)
  • La Chine (3.9%, 1.88Kt)
https://en.wikipedia.org/wiki/Uranium_mining

La production totale est de 48 332 tonnes.

Sur l’impact écologique, voir:

  • https://twitter.com/maxcordiez/status/1456224558021849090

La ressource en uranium: combien il y en a-t-il ?

Actuellement, les réserves d’uranium identifées sont de 6 147 800 tonnes, dont l’essentiel en Australie (28%), au Kazakhstan (15%), au Canada (9%), en Russie (8%), en Namibie (7%), Afrique du Sud (5%) et Brésil (5%). (source: WNA) Cela correspond à ~98 ans de la demande actuelle (~63Kt). Néanmoins, cela ne décrit que les quantités identifiées pouvant être récupérées pour un prix raisonnable (si j’ai bien compris, 130$/kg). Cela monterait à 8Gt en incluant celles pouvant être récupérées pour 260$/kg. Si on cherchait, on trouverait probablement beaucoup plus.

Enfin, il faut garder à l’esprit que, ce minerai étant assez abondant (il y en a même en France) et relativement peu cher, il n’a pas été beaucoup cherché. Il est probable que des réserves bien plus conséquentes existent.

Il serait notamment possible d’extraire l’uranium de l’eau de mer: il y en a environ 3.3mg/L. Les estimations du prix du procédé varient, mais il semble clair que c’est possible. La réserve serait virtuellement sans limite. Les alertes sur l’approvisionnement en uranium semblent donc très discutables.

Enfin, il faut garder à l’esprit qu’une toute partie de l’uranium (<1%) est vraiment utilisée actuellement. Lorsque les réacteurs à neutrons rapides seront opérationnels, les réserves de combustible utilisable seront multipliées par 100 et il faudra, en plus, y ajouter tout l’uranium appauvri entreposé.

L’enrichissement de l’uranium

Une fois extrait, l’uranium ne contient que 0.7% de son isotope U235. Or, c’est insuffisant pour servir de combustible dans les centrales à eau légère (= la grande majorité des centrales actuelles): l’uranium enrichi a 3.5% d’U235.

Dans un premier temps, la poudre (yellowcake, principalement composé de U3O8) est transformée d’abord en tétrafluorure d’uranium (UF4), puis en hexafluorure d’uranium (UF6). En effet, il faut que l’uranium soit gazeux et, alors que la températeur d’évaporation des premiers est de plus de 1000°C, celle du dernier est d’à peine 60°C. Une fois ainsi, il est enrichi dans une centrifugeuse, qui permet de séparer l’UF6 contenant de l’uranium 235 de celui contenant de l’uranium 238.

En France, il est transformé en UF4 à Malvési, puis acheminé à l’usine Philippe Coste, sur le site nucléaire du Tricastin, où il est transformé en UF6, puis transporté à l’usine d’enrichissement sur le même site. La centrifugeuse consomme l’équivalent de 2-3 réacteurs d’électricité et produirait du combustible pour l’équivalent de 100 réacteurs. (article sur l’enrichissement de l’uranium de T.Kamin)

La finalisation du combustible

A ce stade, l’uranium est encore gazeux. Il faut encore enlever le fluor et, pour qu’il soit facile à utiliser, l’oxyder pour faire le famieux dioxyde d’uranium (UO2) sous forme de poudre (UOx). Il est ensuite manipulé et compressé sous forme de pastilles plus petites qu’une phalange, de 7g.

Pour les réacteurs à eau sous pression, elles sont empilées dans des tubes constitué d’un alliage de zirconium, appelés « crayons ». Ils font jusque 5 mètres de long et sont utilisés sous forme d’assemblages de 264 crayons tenus en place par des grilles (c’est elles qui avaient posé problème pour l’EPR Okiluoto3 en 2022 il me semble) et 25 tubes (ce qui fait un pack de 17×17).

Une pastille va pouvoir délivrer 4800kWh de chaleur, transformés en 1600 kWh d’électricité. (source)

https://doseequivalentbanana.home.blog/2019/02/27/cycle-4-la-fabrication-du-combustible/

L’usage du combustible

Dans le réacteur, le combustible va être altéré pendant 3-4 ans. Au final, il restera 95% d’U238, 1% d’ U235, 1% de plutonium et 4% de produits de fission. Ses propriétés changent au fil de sa vie, le combustible est donc renouvelé partiellement chaque année / année et demi. Une fois utilisés et sortis du réacteurs, les assemblages sont entreposés dans des piscines de désactivation, puis transportés dans l’usine de retraitement. Cela vaut pour la France. Par exemple, les Etats-Unis ne recyclent pas du tout leur combustible usagé. L’usine de retraitement, en France, est l’usine d’Orano, à La Hague.

Tout d’abord, les crayons sont découpés et plongés dans l’acide nitrique, qui va séparer le combustible de la gaine. Cette dernière est récupérée et compactée, formant des « déchets de moyenne activité à vie longue ». S’agissant du combustible lui-même:

  • L’uranium est extrait pour entreposage ou recyclage (dit « URT, uranium de retraitement)
  • Le plutonium va servir au recyclage
  • Les produits de fission et actinides mineurs font être vitrifiés. Ce sont les déchets « haute activité à vie longue ».
Conditionnement des déchets à moyenne activité (gauche ?) et à haute activité (droite ?)

L’article de Tristan Kamin a beaucoup d’autres détails et images : Transport et traitement du combustible usé

Le mono-recyclage de l’uranium

Une spécificité française (très peu de pays le font) est de recycler une fois son combustible. Ainsi, l’essentiel n’est pas un déchet nucléaire.

Le MOX

Le plutonium issu du combustible usagé est fissile, il peut donc encore servir. Il est mélangé sous forme d’oxyde (PuO2) à de l’uranium appauvri (UO2) pour faire du MOx (Mixed Oxides). C’est un combustible qui a des contraintes particulières. Le procédé est assez cher et, s’il a un intérêt pratique autre que l’économie d’uranium enrichi (les déchets finaux sont 5 fois moins volumineux), il est modéremment rentable.

En France, seuls 24 des 58 réacteurs sont autorisés à fonctionner avec. En France, il est produit par l’usine Melox d’Orano. Son utilisation permet d’économiser 10% des besoins en uranium naturel.

Le MOx usagé pourrait être théoriquement retraité, mais il y a trop d’atomes inhibant la fission. L’américium 241 ou 242 et le curium 244 sont particulièrement problématiques.

L’uranium de retraitement (URT)

L’uranium de retraitement (URT) peut être réenrichi (URE). En effet, sa teneur en U235 est légèrement plus élevée que celle de l’uranium naturel, mais il est « pollué » par d’autres isotopes, comme l’U236, qui va absorber des neutrons et limiter donc la réaction en chaîne, ou l’U232.

EDF a utilisé de l’URE de 1994 à 2013 dans 4 réacteurs de la centrale de Cruas. Seuls ces réacteurs peuvent l’utiliser. Néanmoins, le prix de l’uranium s’étant effondré, la pratique n’était plus compétitive et en raison d’un « process de traitement des effluents non satisfaisant » (Lesechos). Elle devrait reprendre en 2023. recycler l’URT permettrait de passer le recyclage de 10% à 18, voire 25%.

La surgénération

Le concept de surgénérateur a été développé au tout début de l’histoire du nucléaire civil, dès 1945 par Enrico fermi, et mis en oeuvre rapidement par plusieurs prototypes, comme Rapsodie en France en 1959. La surgénération consiste à produire plus de matière fissile qu’on en consomme. Par exemple, l’U238 est simplement fertile : il peut devenir fissile. Dans un réacteur à neutrons rapides en surgénération, il pourrait être intégralement consommé. Les seules réserves françaises accumulées, de l’ordre de 300 000 tonnes, représenteraient un potentiel de 6000 ans d’alimentation du parc français actuel.

FAQ


  • Des thread de Tristan Kamin
    • Récapitulatif sur la réutilisation du combustible usage : https://twitter.com/TristanKamin/status/1402011017685647361
    • Discussion sur un réacteur japonais : https://twitter.com/TristanKamin/status/1541759865537847296
  • Série d’articles de Tristan Kamin: Cycle du combustible #Sommaire
  • Wikipedia, Uranium mining, extrêmement riche https://en.wikipedia.org/wiki/Uranium_mining
  • CEA : https://www.cea.fr/comprendre/Pages/energies/nucleaire/essentiel-sur-cycle-du-combustible-nucleaire.aspx