Les réacteurs nucléaires de 3e génération

La troisième génération de réacteurs nucléaires (gen3) désigne des modèles développés depuis les années 1990 et mis en service dans les années 2010, comme l’EPR, dont le premier a été mis en service à Taishan (Chine) en 2018. Ils sont plus sûrs et plus efficaces que ceux de génération 2, ayant notamment intégré des systèmes permettant d’éviter que des situations comme celles expérimentées à Tchernobyl et Fukushima puissent se reproduire.

Une sécurité renforcée: le focus des réacteurs nucléaires de 3e génération

La 3e génération, développée à partir des années 90, intègre les enseignements des deux accidents « fondateurs », Tchernobyl (1986) et Three Miles Island (1979), puis le risque de détournement d’avions (référence au 11 septembre 2001), puis les enseignements de la catastrophe de Fukushima (2011).

Les principales améliorations des EPR portent donc sur la sécurité. Il y a eu deux axes d’amélioration :

  • La réduction des risques d’accident grave. Elle serait de l’ordre de 10 fois plus faible qu’avec la génération 2. (Jacoud et al. 2018)
  • La réduction des dégats en cas d’accident grave.

La réduction des risques d’accident nucléaire

Pour éviter les risques d’incidents nucléaires ont été prises des mesures améliorant non seulement la gestion des événements « internes », mais aussi des agressions externes. Ainsi, les bâtiments sont prévus pour résister à des avions kamikazes, ainsi qu’à des séismes (accélération de 0.25g pour l’EPR).

Un autre point important est le développement de redondances, c’est-à-dire de plusieurs systèmes autonomes faisant la même chose. Si l’un des systèmes d’urgence faillit, d’autres peuvent prendre le relai. Le facteur humain, dont l’importance a été mis en évidence par l’accident de Three Miles Island, est mieux géré, notamment en augmentant l’inertie du système.

La réduction des dégats en cas d’accident nucléaire

D’autres dispositifs permettent de limiter les dégats en cas d’accidents nucléaires. Il y a deux stratégies : retenir le corium dans la cuve et évacuer la puissance vers l’extérieur (stratégie IVR, In-Vessel Retention); ou bien stabiliser le corium vers une zone dédiée (stratégie EVR, Ex-Vessel Retention).

Le risque posé par la libération d’hydrogène lors de l’oxydation de la gaine en zirconium du combustible, qui avait causé des explosions lors de l’accident de Fukushima, est souvent adressé. Par exemple, dans les EPR sont installés 47 « recombineurs autocatalytiques passifs », des matériaux qui vont naturellement recombiner l’hydrogène avec l’oxygène en vapeau d’eau.

Une génération de réacteurs efficients

Autre point important, les réacteurs de 3e génération sont conçus pour être économiquement intéressants. Ainsi, ils prévoient un fort taux de disponibilité (>90%), raccourcissent les temps de rechargement et visent une durée de vie d’au moins 60 ans. Pour profiter d’économies d’échelles, ils sont en général de fortes puissance: de 1100 à 1620Mwe. (Jacoud et al. 2018)

Les EPR

C’est le type de réacteurs nucléaires de 3e génération le plus connu en France, puisqu’il s’agit du modèle français. C’est aussi celui qui est en construction à Flamanville. C’est aussi le plus ancien, ayant commencé à être développé par Framatome (filiale d’EDF) et les énergéticiens allemands dès 1992. Il bénéficie du certificat EUR (European Utility Requirements) depuis 2009.

La stratégie de confinement est EVR: le corium est dirigé et passivement refroidi dans une pièce dédiée. Un système de filtrage permet de limiter les fuites éventuelles.

Sa capacité de production est d’environ 4590MWth, transformés en 1650MWe. Il fonctionne à l’uranium enrichi et accepte le MOX.

Les systèmes de sauvegardes sont conçu pour avoir une « redondance d’ordre 4 », c’est-à-dire qu’il y a 4 divisions ayant chacune les composants nécessaires pour accomplir la fonction d’urgence requise. Par exemple, nous avions vu avec Fukushima que le dysfonctionnement d’une pompe d’urgence pouvait empêcher le réacteur d’être irrigué. Là, il y a 4 systèmes de pompes pouvant s’activer.

Il y a actuellement plusieurs réacteurs EPR finis ou près d’être finis:

  • Taishan 1, en Chine a été couplé au réseau il y a 5 ans (19 juin 2018) et Taishan 2 l’année suivante (mai 2019). Constatant une activité anormalement élevée, l’exploitant a arrêté Taishan 1 lors de son second cycle de combustible, en juillet 2021. La gaine du combustible était endommagée. Il s’agissait d’un problème de corrosion sous contrainte des grilles tenant le combustible. Le réacteur a été relancé en été 2022.
  • Okiluoto 3 en Finlande a été couple au réseau l’année dernière et a atteint sa pleine puissance le 30 septembre 2022. Après quelques problèmes, la production a été relancée.
  • Flamanville 3, en France
  • Hinkley Point C au Royaume-Uni.

Références:

  • jean-Luc Jacoud, Françoise Ternon-Morin et Philippe Videlaine, « Les réacteurs nucléaires de troisième génération (Gen3): vers une sûreté renforcée. » La Revue de l’Énergie n° 639 – juillet-août 2018
  • Un thread sur l’histoire de l’EPR : https://twitter.com/Mangeon4/status/1539126280674856961
  • Sur l’arrêt de Taishan 1 :
    • Compte rendu de la 61e réunion plénière du Haut comité du 7 juin 2022 : http://www.hctisn.fr/61e-reunion-pleniere-du-haut-comite-07-06-2022-a214.html
    • SFEN, https://www.sfen.org/rgn/defauts-de-gainage-du-combustible-sur-lepr-de-taishan-analyse-de-la-sfen/