Le démantèlement d’une centrale nucléaire

Le démantèlement d’une centrale nucléaire est une opération longue (de l’ordre de 15 ans) et couteuse (de l’ordre du demi-milliard d’euros). Plusieurs réacteurs ont déjà été démantelés. C’est un enjeu de sûreté nucléaire impliquant la gestion de déchets radioactifs. Le démantèlement est un marché mondiale en croissance et les acteurs français, EDF et Orano, commercialisent à l’international leur savoir-faire en la matière à l’international.

I. Le démantèlement de centrale nucléaire en quelques mots

Sait-on démanteler ?

Oui, pour les centrales à eau pressurisée ou bouillante. Ont d’ailleurs déjà été démantelés de nombreuses centrales nucléaires. C’est un procédé long (~15 ans) et couteux (de l’ordre d’un demi millard d’euros). Le démantèlement des centrales au graphite (6 réacteurs de première génération français notamment) pose des problèmes spécifiques en raison de la taille gigantesque du coeur. Des méthodes et outils sont en cours de développement pour y relever ce challenge.

Démantèlement d’aujourd’hui et d’hier

Il est évident qu’on sait démanteler, car plusieurs réacteurs ont déjà été démantelés. Au total, le nombre de réacteur arrêtés, à date de 2022, était de 197, dont 20 étaient entièrement démantelés (dont 7 réacteurs à eau pressurisée). (source)

En France, la centrale de Chooz A a fini d’être démantelée fin 2022. Les réacteurs de première génération (à uranium naturel graphite-gaz, UNGG) sont plus difficiles à démanteler et l’opération, pour eux, pourrait durer jusqu’au XXIIe siècle. Il y a en 2021 35 installations nucléaires arrêtées ou en cours de démantellement, dont 12 réacteurs.

Comment cela se passe ?

Tout d’abord, la décision d’arrêt de production est prise, puis, un temps après, il est effectivement arrêté. Pendant une période de transition d’environ 3 ans, il faut alors décharger le combustible et vidanger les circuits. On commence aussi à nettoyer les installations. Au bout de 3 ans environ est pris le décret de mise à l’arrêt définitif. Cette phase est le « niveau I » selon l’AIEA. Ensuite, c’est le début du démantèlement à proprement parler: on déconstruit les installations en partant des bâtiments extérieurs. C’est le niveau II. Enfin, on démantèle le bâtiment réacteur. C’est le niveau III.

En France, chaque étape est contrôlée par l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Une fois que tout est fini, l’installation est « déclassée », c’est-à-dire qu’elle n’est plus une installation nucléaire.

L’ASN résume la tâche:

« Le retour d’expérience des opérations de démantèlement effectuées en France montre qu’il n’existe pas, aujourd’hui, d’obstacle technique rédhibitoire au démantèlement des installations. Il s’agit cependant d’opérations de très longue haleine, qui constituent des défis en matière de gestion de projets, de maintien des compétences nécessaires et de coordination des différents travaux. »

https://www.asn.fr/l-asn-informe/dossiers-pedagogiques/le-demantelement-des-installations-nucleaires

Combien ça coute ?

Un démantèlement coute des sommes très importantes, qui doivent être provisionnées par l’exploitant.

Orano estime à 15 ans la durée moyenne de démantèlement d’un réacteur et entre 500 et 700 millions son prix.

Le cout total du démantèlement de 58 réacteurs actuels, incluant la gestion des déchets radioactifs, serait de 60 milliards d’euros.(source) En même temps « Le coût de la déconstruction d’un réacteur à eau pressurisée (REP) est estimé entre 350 et 400 millions d’euros. » (EDF) Pour cette dernière estimation, il est possible que réacteur ne signifie pas centrale. Le même montant est estimé pour les réacteurs américains.

En France, les lourdeurs administratives de l’opération semblent être un facteur de coût important. Le cout est également relevé par le fait que la France a choisi le « démantèlement immédiat ». Il est aussi possible de laisser les installations perdre leur radioactivité.

Combien de déchets cela produit ?

Cela varie selon les installations. Pour Fessenheim, EDF estime les déchets à 380 000 tonnes, dont 18 000 « radioactives », dont 65% de déchets TFA, 35% de déchets FMA-VC et moins de 1% de déchets à moyenne activité (MAVL). (Source)

II. Le démantèlement: un marché mondial

De nombreux réacteurs dans le monde doivent être démantelés. C’est un marché mondial de grande envergure et qui va se développer: 65% des 450 réacteurs nucléaires produisant de l’électricité dans le monde fin 2018 fonctionnent depuis plus de 30 ans.

Le groupe français Orano est spécialiste mondial du démantèlement. Pour couvrir le marché américain (12 réacteurs), il s’est notamment associé à une entreprise de démolition, NorthStar, pour former une joint venture, « Accelerated Decommissioning Partners« .

A l’international, EDF commercialise la déconstruction et gestion des déchets par une filiale, Cyclife.

Découpes du réacteur de Vermont Yankee (Etats-Unis) par Orano. https://twitter.com/W_Nuclear_News/status/1603077333228961792

III. Le démantèlement, un secteur d’innovation

Le secteur du démantèlement des centrales nucléaires est particulièrement actif en termes d’innovations. Il y a tout d’abord deux filiales de grands énergéticiens, qui rassemblent leurs activités sur cette thématique, ainsi que celle du traitement des déchets radioactifs, qui sont très proches:

Il y a de nombreux projets spécifiques dédiés à démanteler les centrales de manière plus efficace et sécure:

  • Graphitech, cofondée par Veolia Nuclear Solutions et Cyclife, a pour objet de développerdes méthodes pour démanteler les réacteurs au graphite.

Il y a aussi des projets européens sur cette thématique:

  • INNO4GRAPH, projet de 3.8 Mn d’euros pour concevoir “des modélisations 3D de scénarios de démantèlement ainsi que des outils de mesure des propriétés mécaniques et physiques” pour démanteler les réacteurs au graphites, outils qui seront testés sur une maquette grandeur nature.
  • CLEANDEM est un projet européen porté par 11 organisations, principalement françaises et italiennes, développant un robot pouvant enregistrer précisément la radioactivité, permettant ainsi de limiter l’exposition des agents et de modéliser fidèlement la zone.

  • Le dossier de l’IRSN : https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/demantelement/Pages/demantelement.aspx
  • Cour des Comptes, L’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/larret-et-le-demantelement-des-installations-nucleaires
  • Sénat, L’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires, Rapport d’information n° 371 (2019-2020) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le 4 mars 2020
  • Wikipedia, Démantèlement nucléaire, https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mant%C3%A8lement_nucl%C3%A9aire#cite_ref-14