La radioactivité, sa mesure, ses sources et ses dangers

Résumé: La radioactivité est le phénomène par lequel un noyau se désintègre spontanément en émettant des particules de matière et de l’énergie. Découverte par Henri Becquerel en 1896, elle eut d’importantes applications médicales, militaires et, notre sujet, pour la production d’électricité. La radioactivité a des effets néfastes sur l’homme passé certaines doses, qui varient selon le type de rayonnement.


Qu’est-ce que la radioactivité ?

La radioactivité est le phénomène par lequel un noyau se désintègre spontanément en émettant des particules de matière et de l’énergie. Tous les atomes ne peuvent pas faire cela, il faut une certaine instabilité, qui ne concerne qu’une quinzaine d’éléments, dont le plus connu est sans doute l’uranium. Empêcher que des doses significatives de radioactivité ne fuitent des centrales nucléaires est l’enjeu central de la sûreté nucléaire.

Ses applications ont d’abord été médicales: c’est le principe des rayons X. Ils sont projetés à travers le corps et permettent d’en tirer une image. La datation au carbone 14 repose également sur la radioactivité. En effet, cet isotope du carbone n’est pas stable et, une fois l’organisme mort, sa concentration décroit.

Résumé de l’impact de la radioactivité et des accidents nucléaires

Les mesures de la radioactivité

La radioactivité se mesure de différentes façons.

La quantité objective de radiation, ou activité radioactive, se mesure en becquerels. Elle est souvent comparée à la masse (Bq/kg) ou au volume (Bq/L), on parle alors d’activité massique. Dans les accidents nucléaires, c’est un moyen pour quantifier l’importance des rejets radioactifs.

Les grandeurs subjecties de radiations permettent d’évaluer la gravité d’une irradiation:

  • La dose absorbée est quantifiée en grays (Gy), qui correspondent à l’énergie reçue en J/kg. Anciennement, on utilisait le rad. 1Gy = 100rad.
  • Le sievert (Sv) pondère la dose absorbée en fonction de la dangerosité de chaque rayonnement, ainsi que le risque d’apparition de cancer. On parle de dose équivalente pour un organe ou tissu ou de dose efficace pour un organisme.

Les types de rayonnement ionisant

En se désintégrant, le noyau instable va libérer un rayonnement étant capable de transformer les molécules qu’il touche en ions. On parle de rayonnement ionisant. Il y en a de plusieurs types:

  • Les rayonnements α, comme un noyau d’hélium, composé de 2 protons et 2 neutrons. C’est une particule lourde avec un faible pouvoir de pénétration: une feuille de papier ou même l’air suffisent à les arrêter.
  • Les rayonnements β sont des électrons (on parle de particules β) ou des positons (β+). Chargés électriquement, ils sont arrêtés par une feuille d’aluminium ou une vitre de quelques milimètres. Lorsqu’un électron rencontre un positon, ils s’annihilent en formant deux photons gamma.
  • Les rayonnements X et γ (gamma) résultent de l’expulsion d’un photon et sont de nature électromagnétiques à haute fréquence. Ils sont extrêmement pénétrants: il faut des épaisseurs de plomb ou de béton pour les arrêter. La différence entre rayons X et γ est l’origine: les premiers sont produits par des transitions électroniques alors que les seconds sont produits par des transitions nucléaires.

Il y a également les neutrons, mais ils sont présents dans les réacteurs nucléaires, ce n’est pas eux qui font le risque radioactif: si vous êtes en face d’une réaction en chaîne, vous aurez d’autres soucis …

Brève histoire de la radioactivité

La radioactivité a été découverte en 1896 par Henri Becquerel, alors qu’il travaillait la phosphorescence. Ses résultats pouvaient faire penser au rayonnement X, découvert l’année précédente par Wilhelm Röntgen, toutefois il constata, avec Pierre et Marie Curie et de Ernest Rutherford que la radioactivité était plus complexe.

Les dangers pour la santé de la radioactivité furent longtemps inconnus. En souffrirent ainsi beaucoup ses inventeurs, mais pas seulement. Ont en effet été commercialisé des produits radioactifs. Ainsi, le radium, populaire comme « tonifiant », fut prescrit sous forme d’amulettes. Il y a même eu une poudre à base de thorium et de radium …

Poudre à base de radium et de thorium. Crédit: Wikipedia

En France, dans les années 50, la découverte d’uranium en France a déclenché une véritable « ruée »:

«  »La chasse à l’uranium est déclenchée. Le commissariat à l’énergie atomique se portant acheteur de tout minerai découvert en France, une fièvre a saisi les foules et le compteur de Geiger, passé aux mains des camelots, va devenir aussi banal que le stylo à bille et la note du percepteur.INA, Journal Les Actualités Françaises – 10.01.1956, https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/afe85006555/la-ruee-vers-l-uranium-prospecteursa-vos-compteurs

Prospecteur d’uranium, France, années 50 (crédit : https://twitter.com/Mangeon4/status/1586254027221860352)

Parmi autres facéties radioactives, il avait notamment été tenté de miner à l’explosion nucléaire ou de faire du « fracking » nucléaire. Le projet Plowshare aux Etats-Unis avait exploré des possibilités d’usage d’explosions nucléaires pour creuser. Cela a été mis en pratique par le projet Gasbuggy (1967), projet Rulison (1969), projet Rio Blanco (1973) au Wyoming, aux Etats-Unis. Vous en avez l’histoire dans cette vidéo.

Crédit : https://twitter.com/CONELRAD6401240/status/1526601489103347712/photo/2

L’exposition à la radioactivité: les ordres de grandeur

Illustration des expositions aux sources de radioactivité
https://doseequivalentbanana.home.blog/2021/05/01/expositions-professionnelles-aux-radiations-en-2019/

La radioactivité naturelle

La première source de radioactivité dans le monde est naturelle.

L’exposition naturelle moyenne des Français

  • Les rayonnements cosmiques. De 0.5mSv/an au niveau de la mer, ils passent à 50mSv/an en altitude et 1000mSv/an dans l’espace. Orano estime ainsi que Thomas Pesquet aurait reçu environ 200 mSv pendant sa mission sur la station spatiale internationale.
  • Le radon est un gaz radioactif provenant de la désintégration des traces d’uranium des roches granitiques. Il est en moyenne de 1.43mSv/an en France. Toutefois, il y a d’importantes disparités: les zones granitiques, comme la Bretagne ou le Massif Central sont largement plus exposées.
  • Les rayonnements telluriques viennent des éléments radioactifs présents dans l’écorce terrestre. Ils représentent en moyenne 0.62mSv/an.
  • Certains aliments contiennent des éléments radioactifs, comme le potassium 40 ou le carbone 14. Leur irradiation représente 0.55mSv/an.

En moyenne, les français sont naturellement exposés à 3mSv/an.

L’éruption volcanique: un accident nucléaire ?

Notez que l’éruption du volcan Eyjafjöll, du 14 au 16 avril 2010, a libéré des quantité considérables de matières radioactives : « 400 tonnes d’uranium, et 1 300 tonnes de thorium pour un rapport thorium/uranium égal à 3,3 soit un terme source de 20 TBq d’uranium et 16 TBq de thorium.«  (IRSN)

La dose équivalent banane (DEB)

Pour mettre en perspective la quantité et la gravité de la radioactivité, on utilise souvent la référence à la « dose équivalent banane » (nom de l’excellent blog d’un ingénieur en sûreté nucléaire, Tristan Kamin) ou DEB: une banane contient relativement beaucoup de potassium 40, qui est radioactif et représente en moyenne 130 becquerels par kg, soit 19.5bq pour une banane de 150g. Son ingestion emporte une exposition de 0.12µSv. C’est une unité de mesure permettant d’immédiatement voir si une exposition est insignifiante.

La radioactivité artificielle

En plus de la radioactivité naturelle, il y a une radioactivité artificielle, produite par l’activité humaine. Par exemple:

  • Une radioscographie des poumons représente une irradiation de 0.3 mSv/an.
  • L’irradiation moyenne due aux centrales nucléaires en France est de 0.01mSv/an.

Elle représente en moyenne 1.5mSv par an. Au total, les français sont ainsi ordinairement exposés à 4.5mSv par an.

La dose limite réglementaire pour les professionnels travaillant dans le nucléaire est de 20mSv/an. C’est une limite de sécurité, non une limite sanitaire. En 2019, 5 personnes ont dépassé ce seuil, dont 4 pour … des activités médicales et vétérinaire (= scanners, etc.) et aucun dans le nucléaire. 393 000 travailleurs sont surveillés, 1/4 ont un rôle impliquant une exposition et leur dose individuelle moyenne est de 0.95mSv/an.

Parmi les sources artificielles de radioactivité, on peut compter la fumée de cigarette et celle des centrales à charbon.

La sûreté nucléaire est très exigente avec ces choses. Par exemple, nager à la surface d’une piscine (moderne) contenant du combustible nucléaire usagé ne poserait pas de risque (la chaleur est en principe de 25-35°C. Evidemment, il faut que le système de refroidissement de l’eau soit fonctionnel). L’eau absorbe la radiation et la chaleur. S’approcher du combustible serait au contraire fatal. C’est un peu comme nager avec un requin en cage: il n’y a pas de risque tant que vous n’allez pas dans ladite cage. [A vérifier]

https://what-if.xkcd.com/29/

Les expositions accidentelles



L’effet de la radioactivité sur l’homme

La radioactivité altère l’état des cellules en ionisant ses molécules. Cela peut aboutir à leur malformation ou à leur destruction. Les impacts varient en fonction de la dose reçue. La peau commence à rougir dès 1Gy. Des traces de brûlure apparaissent à partir de 5Gy et elle se nécrose vers 15 Gy. Le cristallin est endommagé si la dose est supérieure à 4 Gy. Les cellules du sang commencent à être affectées dès 1Gy. A partir de 10Gy, ce sont les voies digestives, puis vers 40Gy le système nerveux.

« Pour un niveau inférieur à 100 mSv, aucun effet à long terme sur la santé n’a été démontré. » Au-delà de 1000 mSv, la radioactivité « a un effet direct sur la santé et implique un risque pour la vie de la personne exposée dans les semaines et les mois qui suivent. » (IRSN)

Les principaux risques à long terme considérés sont la génération de cancers. Par exemple, l’accident de Tchernobyl aurait été responsable d’environ 4000 cancers de la thyroïde chez les habitants enfants ou adolescents au moment de la catastrophe à cause de l’iode 131. Celle-ci aurait en effet tendance à contaminer cet organe, peut développé chez les enfants.


Pour aller plus loin

  • IRSN, L’exposition de la population française à la radioactivité, https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Sante/exposition-population/exposition-population-france-metropole/Pages/1-Exposition-population-France-moyenne-et-variabilite.aspx
  • IRSN, Un rayonnement ionisant, c’est quoi ? Comment s’en protéger ?, https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Sante/rayonnements-ionisants-effets-radioprotection-sante/effets-rayonnements-ionisants/Pages/1-rayonnement-ionisant.aspx
  • CEA, Les grandeurs et unités de la radioactivité, https://www.cea.fr/comprendre/Pages/radioactivite/essentiel-sur-grandeur-unites-radioactivite.aspx
  • AFIS, Radioactivité : quelles doses ?, https://www.afis.org/Radioactivite-quelles-doses
  • Tristan Kamin, Désintégration : radioactivité et fission, https://doseequivalentbanana.home.blog/2021/05/06/desintegration-radioactivite-et-fission/