Circuits courts: une définition, entre distance physique et sociale.

Définition des circuits courts au sens commun : vente de nourriture ou de fleurs du producteur au consommateur avec entre eux 0 ou 1 intermédiaire et moins quelques centaines (souvent 50) de km de distance.


« Les circuits courts de commercialisation sont aujourd’hui en pleine effervescence dans le secteur agricole et agroalimentaire en France. Souvent considérés comme marginaux, ils suscitent paradoxalement de nombreux questionnements, aussi bien chez les chercheurs que chez leurs acteurs. »

Chiffoleau, Y. (2008). Chapitre 1. Les circuits courts de commercialisation en agriculture : diversité et enjeux pour le développement durable. Dans : Gilles Maréchal éd., Les circuits courts alimentaires: Bien manger dans les territoires (pp. 19-30). Dijon cedex, France: Educagri éditions.

Avec le COVID-19, la France a redécouvert les circuits courts : les AMAP et autres points ventes locaux ont vu leur ventes multipliées suite à la crise sanitaire.

La définition des circuits courts n’est pas évidente : on fait clairement référence à un moyen de distribution qui s’opposerait au « circuit long », mais le terme ne nous en dit pas plus.

Gilles Maréchal, dans « Les circuits courts alimentaires », nous propose une définition des circuits courts alimentaires, dont nous allons partir.

La définition des circuits courts par G.Maréchal

G.Maréchal commence par poser 6 caractéristiques :

  1. Les circuits courts sont un mode de commercialisation. Ils peuvent avoir différents lieux physiques ou institutionnels d’échange, qualifiés de « dispositifs »; différentes modalités (le marché forain, la vente à la ferme, le point de vente collectif, le panier). Il ne s’agit pas d’étudier les caractéristiques du produit (BIO, produits fermiers, AOC).
  2. Il s’agit d’échanges monétisés, ce qui exclut « l’auto-consommation, le troc, les jardins ouvriers ».
  3. Ils doivent impliquer un intermédiaire maximum. Ce point pose question, excluant potentiellement la restauration collective, le produit fini passant « par plusieurs mains avant d’arriver à la bouche du mangeur. » Les auteurs ont néanmoins « inclus les dispositifs locaux de vente à la restauration collective en nous fondant sur la forte imbrication de cette modalité avec les autres dans les stratégies d’exploitation et dans le regard des paysans. » Ce critère exclue toutefois tous les « produits qui passent par des centrales d’achat/distribution. »
  4. La proximité en distance est aussi un filtre délicat à manier, notamment parce que la proximité n’est pas la même en zone urbaine et en zone profondément rurale.
  5. G.Maréchal et ses coauteurs ont retenu une conception des circuits courts comportant « une part de mise en scène de la relation qui se noue autour de l’aliment. » Cela exclut notamment les grandes et moyennes surfaces qui vendent des produits locaux sans vraiment le mettre en scène.
  6. Ils n’ont « pris en considération que les modalités de commercialisation « pour manger ailleurs » », ce qui exclut, par exemple, les fermes auberges.

Au final, cela réduit leur liste de modalité aux marchés forains, points de vente à la ferme, points de vente collectifs et dispositifs de paniers.

Il s’agit d’une définition servant de cadre à une étude universitaire. Notre but est un peu différent, il s’agit plus de décrire une pratique qui pourrait remettre en question, ou au moins disputer, l’hégémonie des grandes surfaces sur la distribution de frais et avoir certains effets sur l’agriculture (lien social, valorisation des pratiques environnementales, etc.).

Nous allons commenter les deux points qui nous semblent centraux dans sa définition : peu d’intermédiaire et la proximité.

Notez, en outre, qu’on se focalise sur un circuit court de distribution, alors qu’on pourrait en imaginer qui soient « de production », c’est-à-dire entre producteurs et transformateurs.

Que sont les circuits courts ? Peu ou pas d’intermédiaires

Le principal aspect des circuits courts est de limiter au maximum le nombre d’intermédiaires, notamment pour améliorer la rémunération des agriculteurs de deux manières :

  • Il n’y a pas besoin de rémunérer les intermédiaires
  • Les exploitations n’ont pas en face le pouvoir de négociation de la grande distribution

Toutefois il ne faut pas abuser : considérer que l’existence d’un intermédiaire empêche la qualification de circuit court pourrait empêcher des circuits très « courts »où plusieurs exploitants mutualiser des moyens, comme la logistique et l’emballage, et, pour simplifier les échanges, choisissent de vendre la production à la structure commune.

On serait alors dans une logique plus idéologique (intermédiaire = mal) que pragmatique (circuit court = avantages / coûts).

La définition retenue par l’administration est assez souple à ce niveau : « La notion de circuits courts est utilisée pour valoriser un mode de vente limitant le nombre d’intermédiaires ». Il ne faut pas la confondre avec la vente directe, pour laquelle « Aucun intermédiaire ne saurait être toléré, dans le respect de l’article L. 121-2 du Code de la consommation ».

Toutefois, point plus critiquable, elle « ne prévoit pas de notion de proximité physique (kilométrage). »

Quelle distance parcourue par le produit ?

Même si ce n’est pas reconnu, il semble difficile de penser des circuits courts sans proximité. En effet, dès qu’on pense aux atouts de ce mode de commercialisation, on pense aux économies sur le transport et, surtout, la diminution des émissions de gaz à effet de serre correspondants.

En même temps, ce point est discutable : on perd les économies d’échelles de la grande distribution, tant du coté producteur (transporte de plus petites quantité) que du consommateur (doit s’approvisionner à plusieurs endroits). Ainsi, le Commissariat général au développement durable (CGDD) a reconnu en 2013 que l’intérêt des circuits courts était plus socio-économique qu’environnemental. Reste qu’il n’est pas exclu qu’un jour, les économies d’échelles arrivent à être retrouvées avec de futures innovation.

La dimension sociale, pour sa part, est bien liée à la distance. Le lien entre les fermiers et les consommateurs, promu comme l’un des grands apports potentiels des circuits courts correspond surtout à une relation de proximité. Les gens veulent manger des produits locaux et de qualité.

Cela permet aussi de valoriser les pratiques agricoles positifs, comme l’agriculture de conservation des sols et autres innovations de l’agroécologie. C’est encore plus vrai pour les éleveurs, qui peuvent montrer leurs animaux en train de paître.

Enfin, dans le langage courant, la proximité est fortement supposée, je conserve donc l’idée.

Circuits de quoi ? Aliments ou, potentiellement, fleurs

La notion de circuit court porte surtout, aujourd’hui, sur les produits agricoles et les coproduits de l’agriculture (miel, vin …). Toutefois, son grand challenge, tant en terme de difficulté que de revenus, ce sont les produits frais : fruits et légumes, viandes, poissons et volailles.

Toutefois, on peut se demander si cette logique ne pourrait pas porter sur d’autres secteurs, comme l’industrie. Un autre secteur pourrait être porteur : les fleurs. Toutefois, il n’y a, à ma connaissance, qu’un seul projet de circuit court de fleurs.

Je propose donc cette définition des circuits courts au sens commun : vente de nourriture ou de fleurs du producteur au consommateur avec entre eux 0 ou 1 intermédiaire et moins quelques centaines (souvent 50) de km de distance.

Sur le même thème

Pour aller plus loin :