Mobilité hydrogène

La mobilité hydrogène propose de remplacer le pétrole dans les transports par de l’hydrogène bas carbone. Ce serait particulièrement utile pour développer un transport lourd bas carbone.


Les transports sont l’une des principales sources d’émission de CO2 : 20% en 2021, même au milieu d’une pandémie ! Il faudrait trouver une alternative au pétrole. Une des pistes est l’hydrogène : un gaz qui, en libérant de l’énergie, n’émet que de l’eau.

Le dihydrogène dans les transports a pourtant une réputation très mauvaise à cause de l’explosion du Zeppelin Hindenburg en 1937. Encore aujourd’hui, l’événement est rappelé dès qu’on évoque le sujet, comme une sorte de traumatisme terrifiant. Néanmoins, c’est une des principales pistes poursuivies pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des transports. Nous verrons d’abord les différents types de véhicules à hydrogène, avant de parler des projets les concernant et des obstacle au déploiement à grande échelle de ces solutions.

Cet article fait partie de notre dossier Hydrogène, autonomie et transition énergétique.

Les véhicules de la mobilité hydrogène

Il y a de nombreux types de véhicules à hydrogènes, qui n’affrontent pas les mêmes challenges :

  • Voitures
  • Bus
  • Camions
  • Bâteaux
  • Trains
  • Avions

Mais avant, tout, reprenons un peu le principe des véhicules à hydrogène, qui sont en fait, au sens strict … électriques !

Le principe

Les véhicules à hydrogène utilisent un moteur électrique et, souvent, une petite batterie électrique. Néanmoins, l’essentiel de l’énergie est fournie par du dihydrogène, transformé en électricité par une pile à combustible (classiquement à membrane échangeuse de protons, PEMFC, la seule technologie mature supportant bien les variations rapides d’usage en conditions de température et de pression « normales »).

Le coeur de la différence entre hydrogène et électrique est donc le stockage de l’énergie, pas le moteur. Par simplicité, non appellerons « véhicules électriques » ceux qui n’utilisent qu’une batterie et « véhicules à hydrogène » ceux qui utilisent principalement de l’H2 pour stocker l’énergie. Les véhicules à hydrogène utilisent aussi une petite batterie pour les pics d’activité (démarrages, accélérations …) les piles à combustible n’étant pas adaptées à ces circonstances.

Notez qu’il est aussi possible de bruler de l’hydrogène avec un moteur à combustion. Toutefois, l’efficacité est très faible et je n’ai pas vu de véhicules modernes utilisant cette méthode, je n’en parlerai donc pas.

Les voitures à hydrogène

C’est clairement le principal problème de la mobilité: la voiture. Surtout, a voiture urbaine. L’immense majorité des trajets en voiture sont des trajets courts (<100km), les batteries sont donc souvent suffisantes. Les voitures à hydrogène ont une autonomie un peu supérieure (600km contre 300-400 pour les modèles « normaux » et jusque 580km pour la Tesla Model 3 …).

Le principal intérêt semble être le temps de recharge de la batterie, très long comparé à celui du réservoir de dihydrogène, mais encore, il y a des modes de charge des batteries très rapides (15 minutes) … Bref, l’intérêt de l’hydrogène paraît maigre comparé à la perte de rendement par rapport à l’électrique : 30% contre 70-80%.

En France, Renault développe des utilitaires à hydrogène: les Renault Kangoo Z.E. Hydrogen et Renault Master Z.E. hydrogen.

Pour approfondir, vous pouvez consulter l’article sur les voitures à hydrogène.

Les bus à hydrogène

C’est l’échelle à partir de laquelle l’H2 augmente significativement l’autonomie des véhicules, les amenant à environ 350 km, contre plutôt 200km pour les autobus purement électriques. En outre, le fait qu’ils soient organisés en flottes amoindrit le problème du manque de stations à H2.

Pour aller plus loin, vous pouvez lire notre article sur les bus à hydrogène.

Camions à hydrogène

L’électrique est très peu viable pour les poids-lourds, qui roulent de longues distances avec de grosses chages. L’hydrogène leur donne une autonomie correcte et, surtout, un temps de recharge limité (<10 min). Surtout, les camions passent par les mêmes routes, tout le temps, contrairement aux véhicules particuliers. Cela permet de viabiliser la conception des infrastructures de recharge, qui sont un des grands obstacles au développement de la mobilité hydrogène terrestre actuellement.

Pour approfondir, vous pouvez consulter notre article sur les camions à hydrogène.

Trains à hydrogène

On pense que le train est toujours motorisé à l’électricité … mais non ! Beaucoup de lignes, même en France, ne sont pas électrifiées et utilisent des locomotives diesel. Cela représente 40% du réseau allemand et 20% du réseau français (pour seulement 20% du trafic).

Pour approfondir, vous pouvez consulter notre article sur le train à hydrogène.

Bâteaux à hydrogène

Les bateaux à hydrogène permettraient de décarboner le transport maritime grâce à la forte densité de ce carburant. Bien sûr, ce ne serait vraiment le cas que si les challenges de la production et de la logistique de l’H2 étaient vaincus.

La France a déjà produit plusieurs projets importants, comme la startup Hynova (qui développe un bateau de plaisance fonctionnant à l’hydrogène), Hylias, un ferry pouvant transporter 150 à 200 personnes, l’Energy Observer, un navire autonome hybride (hydrogène / électrique), qui produit sa propre énergie et Hynovar, un projet de ferry à hydrogène dans la baie de Toulon.

Pour approfondir, vous pouvez consulter notre article sur les bateaux à hydrogène.

Avions à hydrogène

Pour remplacer l’avion au kérosène, de plus en plus d’efforts sont mis à développer des avions à dihydrogène. Il y a plusieurs modèles de petites tailles développés par des startups et d’autres, plus massifs, sont explorés par Airbus.

Pour approfondir, vous pouvez consulter notre article sur l’avion à hydrogène.

Les obstacles au déploiement des mobilités hydrogène

De plus en plus d’industriels se tournent vers le transport à dihydrogène. Vous avez par exemple Airbus pour l’aviation, Renault pour les utilitaires, Toyota et Hyundai pour les automobiles. Toutefois, les mobilités hydrogène font face à plusieurs difficultés s’opposant à sa diffusion.

Tout d’abord, il y a le problème de la viabilité énergétique: quelle quantité d’énergie faudra-t-il pour faire se déplacer ces véhicules ? Si on veut avoir un véhicule à hydrogène bas carbone, il faut que ledit gaz ait été produit par une filière elle-même bas carbone (soit aujourd’hui de l’électrolyse de l’eau avec de l’électricité nucléaire ou renouvelable). La production devra également être très pure, les véhicules à hydrogène utilisant des piles à combustible à membrane échangeuse de protons (PEMFC), qui ne tolèrent pas la moindre impureté. Cela pourrait restreintre les technologies de pile à combustible utilisables.

En outre, cet usage entrera en concurrence avec les nouveaux usages de l’industrie. En effet, le dihydrogène est présenti pour décarboner plusieurs filières industrielles, comme la sidérurgie et le ciment, qui mobilisent de puissants industriels comme Vicat ou ArcelorMittal. Néanmoins, ces procédés tolèrent de l’H2 moins pur que les transports.

Enfin, il y a le problème de la logistique et de la sécurité. L’H2 reste extrêmement volatile, corrode l’acier et est explosif. Développer et implanter des stations à hydrogène coute très cher et la démonstration d’une fiabilité comparable aux carburants classiques reste à démontrer. Il faudra non seulement relever le défi de créer de 0 un réseau logistique, mais en plus développer un cadre réglementaire et industriel permettant au transport H2 de se développer.

Le développement de la mobilité H2

Le gouvernement français et l’Union Européenne soutiennent fortement le développement d’une mobilité hydrogène, misant sans doute sur la capacité de l’H2 à apporter une solution au problème de l’autonomie de la mobilité lourde. La France a ainsi annoncé « 7 milliards d’euros jusqu’en 2030 pour développer tout le potentiel de l’hydrogène vert au service de la transition écologique et de la décarbonation de notre économie. » (Barbara Pompili)

L’appel à projets (AAP)  » Ecosystèmes de mobilité hydrogène » de l’ADEME

L’ADEME lance régulièrement des AAP d’innovations environnementales, permettant de financer une partie des dépenses des participants. Cet appel a projet est doté, actuellement, de 275 M€ pour la période 2021-2023. 45 millions ont déjà été attribués en décembre 2020 à :

  • [Ouest] : HYGO Vannes, Luzo (Bordeaux), HyBer, H2Ouest
  • [SUD] HyPort (Toulouse), Fébus (Pau), ZEV (« Zero emission valley », AURA), TETHYS, MH2 (Marseilles), HyAMMED, HYNOMED, H2VCORSTYRENE (Corse),
  • [Est] DMSE, AUXR_H2
  • [Nord] H2SMTAG
  • [Ile de France] LAST MILE IDF, 2020HYPE600, H2IDF.

D’autres plans autour de la mobilité hydrogène avaient été lancés à partir de 2018. Au total, « 19 écosystèmes ont ainsi été soutenus par l’ADEME pour un montant de subvention de 98 M€ ».

La Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE)

La Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) exprime les grandes orientations énergétiques de la France. L’Etat est très optimiste pour la production de dihydrogène par électrolyse, estimant que d’ici 2030, son prix de production aura diminué à 2.5-3.5€/kg et qu’il devrait être distribué à < 7€/kg.

Ce rapport présente l’ « hydrogène dans la mobilité » comme « complémentaire aux batteries et au bioGNV » et souhaite le développer, notamment en

  • incitant le développement de gammes de véhicules lourds à hydrogène (camions, bus, avions, bâteaux …)
  • « poursuivre la logique de flottes territoriales » (= l’ancrage local des projets, notamment pour la production d’H2 et pour la « mise en parallèle industrie/mobilités ».

Les objectifs sont :

20232028
Puissance power-to-gas (MW)1-1010-100
Proportion d’hydrogène décarboné10%20-40%
Véhicules utilitaires légers à hydrogènes5K20-50K
Véhicules lourds à hydrogène200800-2 000
Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) p.109

Il s’agira aussi notamment de mettre en place un soutien au développement d’H2 décarboné (50M€/an + AAP); un système de traçage de l’H2 et de standardiser les modèles de cofinancement pour les projets de déploiements d’écosystèmes.

Zero emission valley

La Zero Emission Valley est une initiative de la région AURA dont l’ambition est de développer la mobilité hydrogène au niveau régional en déployant 20 stations, 1 000 véhicules et 15 électrolyseurs dans la région d’ici 2023. Elle s’incarne dans l’entreprise « Hympulsion », détenue à 49% par la Région Auvergne-Rhône-Alpes et la Banque des Territoires et à 51% par Michelin, Engie, et le Crédit Agricole, ses financeurs.

Pour aller plus loin