L’électrolyse PEM (Proton Exchange Membrane)

L’électrolyse PEM (= membrane échangeuse de protons) est une méthode de production d’hydrogène par électrolyse de l’eau consistant à séparer les électrodes par une membrane polymère étanche au gaz et fortement acide, laissant passer les ions H+. Très réactive, elle peut être utiliser efficacement des énergies intermittentes. Elle demande néanmoins des matériaux très chers.


L’électrolyse PEM (Proton Exchange Membrane, pour membrane échangeuse de protons) utilise comme électrolyte une membrane polymère extrêmement fine (20-300 micromètres) étanche au gaz avec un caractère fortement acide laissant passer les ions H+ (protons). [Pour être plus précis : elle contient des groupes fonctionnels sulfonique (R-SO3H) qui sont responsables du mécanisme d’échange d’ions.]

La technologie PEM est née au début des années 50, avec le programme spatial américain, principalement dans l’idée d’une pile à combustible pouvant fonctionner même en apesanteur. General Electric a développé le premier électrolyseur PEM en 1966. Le concept a ensuite été amélioré par W.T. Grubb, qui a utilisé une membrane de polystyrene sulfoné comme électrolyte.

Nous allons étudier :

  1. Le principe de l’électrolyse PEM
  2. La rentabilité de l’électrolyse PEM
  3. Les avantages et inconvénients de l’électrolyse PEM

Principe de l’électrolyse PEM

« Le principe de l’électrolyse PEM diffère de celui de l’électrolyse alcaline par le fait que l’électrolyte est un électrolyte solide, composé d’une membrane conductrice de protons ; les électrodes sont déposées de part et d’autre de ce matériau polymère.

Caroline Rozain (2013)

La réaction chimique

La réaction à l’anode est :

H2O(l) → 1/2 O2(g) + 2 H+ (aq)+ 2e−

On parle aussi de réaction OER (Oxygen Evolution Reaction).

Ensuite, les protons H+ « migrent vers la cathode à travers la membrane sous l’effet du champ électrique et du gradient de concentration où ils sont réduits en hydrogène moléculaire (avec les électrons provenant du pôle négatif du générateur)« . (Caroline Rozain 2013) D’où le nom de « membrane échangeuse de proton« . La réaction à la cathode est :

2 H (aq) + 2e− → H2(g)

On parle aussi de réaction HER (Hydrogen Evolution Reaction).

Crédits: Benoit Guenot

C’est le principe inverse de la pile à combustible à membrane échangeuse de protons (PEMFC).

Les matériaux de l’électrolyse PEM

Les électrodes sont « composées d’une couche de matériau catalytique (catalyseurs + ionomère) et d’une couche de diffusion. La couche de diffusion est utilisée pour améliorer le passage du courant et faciliter le transport des réactifs et des produits. » (Caroline Rozain 2013)

« Le choix des catalyseurs nécessite la prise en compte de plusieurs facteurs:
· L’activité catalytique vis-à-vis des réactions concernées,
· La stabilité chimique vis-à-vis de l’électrolyte et des produits de la réaction,
· La stabilité électrochimique en fonction du potentiel des électrodes,
· Le coût,
· La facilité à former, sur les membranes, des dépôts poreux, homogènes, adhérents ayant des surfaces spécifiques importantes,
· La stabilité mécanique sous fort dégagement gazeux,
· La conductivité électronique,
· La sensibilité à l’empoisonnement,
· La morphologie (taille des cristaux, cristallinité, réseaux…). »

Caroline Rozain (2013)

Pour la cathode

C’est la platine qui est le catalyseur le plus intéressant, mais son prix est problématique (> 30 k€ kg-1).

Le cobalt et le fer pourraient aussi être de bons catalyseurs pour la cathode, mais ils ne sont pas stables dans les conditions d’électrolyse PEM. Une idée en cours d’exploration est de les combiner avec des composés organiques. (Caroline Rozain 2013)

Pour l’anode

L’un des challenges est l’importance du potentiel de fonctionnement (1.6V vs. ESH), qui ne peut pas être supportée par tous les matériaux.

Classiquement le mieux est d’utiliser l’oxyde d’iridium ou de ruthénium.

Malheureusement, l’irridium est rarissime : 40 fois plus rare que l’or et 10 fois plus rare que le platine.

Pour la membrane

La membrane est en général un polymère échangeur de cation, le Nafion étant le polymère le plus utilisé. L’entreprise DuPont de Nemours qui le commercialise.

« Nafion® est un ionomère composé d’un squelette hydrophobe de typepoly(tetrafluoroethylene) (PTFE) sur lequel sont greffées des chaînes pendantes perfluorées (perfluorovinylether) terminées par des groupes sulfoniques. »

(Caroline Rozain 2013, p.38)

Plaques bipolaires et couches de diffusion

Les plaques bipolaires ont, dans un stack de cellules d’électrolyses PEM, pour fonction de fournir le courant et d’évacuer les gaz. Ce sont les plaques avec des tranchées (cannelures) perpendiculaires.

Elles sont soumises à des contraintes difficiles : potentiel élevé et milieu acide. On utilise souvent du titane (ou un revêtement au titane).

Rentabilité de l’électrolyse PEM

Les rendements des PEM

En soi, le procédé de produit pas de gaz à effets de serres, ni dans la production ni dans l’utilisation de l’hydrogène. Le problème est dans la production d’électricité, qui est elle souvent très carbonée, et dans le rendement de l’opération.

Les estimations sur les rendements des électrolyseurs PEM varient beaucoup. Voici quelques perspectives, que j’alimenterai au fil du temps :

« Les rendements énergétiques vont de 48% à 65% environ » Benoit Guenot

Caroline Rozain (2013)

Le prix de l’électrolyse PEM

Voici par exemple la présentation des coûts pour les électrolyseurs PEM de marque Proton ayant une capacité de 13 kg H2/ jour par Ayer et al. (2010):


Crédits : Ayers et al. 2010, « Research Advances Towards Low Cost, High Efficiency PEM Electrolysis »

Les prix au niveau de l’usine (balance of plant) diminueraient largement avec une installation à grande échelle.

Le principal prix des ensemble de cellules (stacks) repose sur l’assemblement membrane-électrodes (MEA) et les espaces de flux et séparateurs, qui, ensemble, en représentent 72%.

Avantages et inconvénients de l’électrolyse PEM

Les atouts de l’électrolyse PEM

« Les électrolyseurs à membrane polymère échangeuse de protons (PEM) sont très prometteurs pour la production d’hydrogène : ils sont compacts, performants électriquement
(1 à 4 A cm-2), produisent de l’hydrogène très pur (pas ou peu de pollution par l’électrolyte), nécessitent peu de maintenance et peuvent être alimentés par de l’électricité provenant des EnR. »

Caroline Rozain (2013)

« Les électrolyseurs PEM peuvent opérer à des densités bien supérieures, capables d’atteindre des valeurs supérieures à 2A/cm², ce qui réduit les couts opérationnels et, potentiellement, le cout global de l’électrolyse. […] La PEM permet un électrolyte plus fin que l’électrolyse alcaline. »

Carmo et al. A comprehensive review on PEM water electrolysis, Volume 38, Issue 12, 22 April 2013, Pages 4901-4934

Les principaux atouts de l’électrolyse PEM sur l’électrolyse alcaline sont qu’ils sont

  • plus compacts (l’électrolyte prend moins de place) ;
  • plus portables (l’absence de liquide est pratique) ;
  • plus réactifs (ils peuvent être combinés avec une source d’énergie intermittente, permettant le « power to gas ») ;
  • il y a moins de contamination entre les gaz produits ;
  • peuvent fonctionner à des densités de courant supérieures, de l’ordre de 2,0 A/cm²
  • l’hydrogène produit est plus pur.

Les challenges de l’électrolyse PEM

« Cependant, cette technologie demande des améliorations en particulier au niveau des coûts de ses composants qui sont encore très élevés. Les membranes (environ 550 € m-2 pour une membrane Nafion® 115 – Sigma Aldrich), les catalyseurs (métaux nobles de plusieurs k€ kg-1) les plaques bipolaires utilisés sont chers, et il est important d’optimiser leur utilisation tout en cherchant des alternatives ca il n’y a peu d’espoir de diminution des coûts, même en envisageant une production en série. »

Caroline Rozain (2013)

Les principaux problèmes de l’électrolyse PEM sont

  • les besoins en métaux nobles (platine, irridium, rhuténium) pour les électrodes et en titane pour les plaques de séparation.
  • le prix de la membrane
  • une durée de vie plus courte que les électrolyseurs alcalins

Carmo et al. (2013) présentent plusieurs pistes qu’ils jugent interessantes pour surmonter ces difficultés:

  • « Core-shell catalysts« 
  • « Bulk mettalic glasses« 
  • « Nanostructured thin films« 

Je ne détaille pas, cela me semble trop complexe pour le cadre de cet article.

Il y a des recherches pour développer des alliages qui peuvent diminuer l’utilisation de ces métaux nobles. On parle d’électrodes de type DSA (Dimensionally Stable Anode). Elles ne seraient néanmoins pas viables pour les électrolyseurs PEM, leur seul intérêt pouvant alors résider dans l’amélioration de la durée de vie des électrodes à base de ruthénium. (Caroline Rozain 2013, p.33)

La technologie PEM aujourd’hui et demain

Une piste d’amélioration du procédé serait d’augmenter la pression. Toutefois, cela

L’électrolyse PEM à haute pression, atouts et défauts

Les électrolyseurs PEM peuvent opérer à très hautes pressions, certains modèles prétendant même atteindre 350 bars. Cela a plusieurs intérêts, mais aussi des défauts. Je reprendrai ici l’article de M.Carmo, D.L.Fritz, J.Mergel et D.Stolten, A comprehensive review on PEM water electrolysis, (Volume 38, Issue 12, 22 April 2013, Pages 4901-4934).

Utilité de l’électrolyse PEM à haute pression

  • L’hydrogène produit est lui même à haute pression, ce qui limite le besoin d’énergie pour le comprimer.
  • Cela réduit la phase gaseuse au niveau des électrodes, améliorant significativement l’éjection des gaz.
  • Dans une configuration de pression différenciée, seulement la cathode (hydrogène) est sous pression, ce qui limite les risques liés à la manipulation de dioxygène pressurisé.
  • La pression minimise l’expansion et la deshydration de la membrane
  • L’augmentation en pression résulte en de plus grands voltages thermodynamiques.

Défauts de l’électrolyse PEM à haute pression

  • Il y a un plus grand risque de traversée de la membrane par un gaz. Il faut donc une membrane plus épaisse à partir de 100 bars.

Areva H2Gen

En 2014, l’Ademe, Areva et Smart Energies se sont unies dans une co-entreprise, Areva H2Gen, qui a vocation à produire des électrolyseurs PEM d’une puissance allant de 100 kilowatts (kW) à 1 mégawatt (MW). La première usine a été inaugurée en 2016 dans le 91. Le projet aurait également présenté un concept d’usine d’électrolyse PEM d’une capacité de production de 60MW. Ils avaient présenté un « stack » de 1MW à la foire de Hanovre en 2017. La coentreprise a été rachetée en 2020 par GTT, la filiale d’ENGIE.

Air Liquide et le plus grand électrolyseur PEM du monde

En janvier 2021, Air Liquide a inauguré au Québec la plus grande unité d’électrolyse à membrane échangeuse de protons du monde (selon l’entreprise): 20MW, soit 8.2 tonnes d’H2 bas carbone par jour. L’énergie serait fournie par Hydro-Québec. Siemens aurait rejoint Air Liquide pour développer le procédé à l’échelle industrielle par un protocole d’accord annoncé le 8 février 2021.


Pour aller plus loin

Cet article fait partie de notre dossier “Hydrogène, autonomie et transition énergétique“.

Pour approfondir ce sujet et voir les autres types d’électrolyses, vous pouvez consulter nos articles sur

Les articles scientifiques sur lesquels je me suis surtout basé sont :

Pour aller plus loin:

  • Ainscough, O. C., Peterson, D. & Miller, E. Hydrogen production cost from PEM electrolysis 1–11 (2014).
  • Shiva Kumar, S. & Himabindu, V. Hydrogen production by PEM water electrolysis—A review. Mater. Sci. Energy Technol. 2, 442–454 (2019).