Les enjeux environnementaux des circuits courts

Comme nous l’avons vu dans la page sur les enjeux des circuits courts, l’intérêt environnemental des circuits courts sur le plan des économies de transport n’est pas très clair, mais il y a d’autres aspects qui, eux, sont prometteurs.

L’impact environnemental controversé de la logistique

L’intérêt environnemental des circuits courts, dans sa dimension logistique, est assez controversé.

Ils sont notamment l’objet d’une série de critiques d’économistes, qu’on retrouve essentiellement dans le « Dilemme du Locavore » de P.Desrochers et H.Shimizu et les nombreux articles dans le même esprit d’opposition aux « activistes du manger local ».

Certains souligneront par exemple que le gaz carbonique ne sont qu’une petite part des gaz à effet de serre émis par l’agriculture: 10% (Parmentier 2019) , le reste provenant du méthane et du protoxyde d’azote, notamment en raison de la production animale. Même au sein de ces 10%, la partie « de la ferme à l’assiette » serait faible et l’empreinte carbone par poids transporté serait plus importante « pour aller en camion du Havre à Rungis, puis de Rungis à Lyon que pour aller en bateau de Fort de France au Havre ! » (Parmentier 2019). Une étude estimerait même que le transport maritime et aérien ne représenterait que 1% du CO2 émis, contre 48% pour le transport du magasin au domicile. Pire, certaines filières « courtes » seraient plus polluantes que certaines filières « longues »:

En effet, la filière CC [circuit court] la plus efficace, à savoir les AMAP urbaines (i.e. 8.6 grammes d’équivalent pétrole/euros de produits vendus ou GEP/€) fait aussi bien que la filière longue la plus efficace, celle d’un supermarché distribuant à l’échelle nationale (i.e. 8.8 GEP/€), et mieux que les deux autres études de cas relatives à des supermarchés en filières longues (i.e. respectivement 21.8 et 25.3 GEP/€). À l’inverse, les points de vente collectifs (44.8 GEP/€) mais aussi les ventes à la ferme (34.2 GEP/€) apparaissent moins efficients.

Maréchal, K., Plateau, L. & Holzemer, L. (2019). ‪La durabilité des circuits courts, une question d’échelle ? L’importance de court-circuiter les schémas classiques d’analyse‪. Économie rurale, 367(1), 45-60.

Cette critique est à la fois très crédible actuellement, et en même temps discutable. En effet, elle met en évidence que les habitudes alimentaires sont les premiers éléments sur lesquels agir, notamment la consommation de viande (principale productrice de méthane). Toutefois, le transport d’aliments produit tout demême une importante quantité de GES, qu’il pourrait être intéressant de diminuer.

Une autre critique intéressante est que tout ne pousse pas aussi facilement partout. Par exemple, le rendement des fraises en Ontario est de 7 à 10 tonnes à l’hectare contre 50 en Californie. D’où une interrogation intéressante de l’article d’Atlantico : « ne vaut-il pas mieux baisser les intrants en produisant une grande quantité de nourriture à l’hectare là où les conditions de sols, d’eau et de climat sont favorables, puis faire voyager les récoltes, que de s’acharner à produire peu un peu partout avec force engrais, pesticides et irrigation ? »

Plus largement, les apports des circuits courts sont régulièrement remis en question par divers chercheurs :

« Éviter le piège du local » (Born et Purcell, 2008), « Doit-on rentrer à la maison pour manger ? » (Dupuis et Goodman, 2005), « La nourriture locale est-elle vraiment meilleure ? » (De Weert, 2009), « N’a-t-on pas misé sur le mauvais cheval ? » (De Lind, 2011), « Tester l’affirmation le local est meilleur » (Edwards-Jones et al., 2008), « Les vertus discutables des CC » (Chevalier et al., 2015) sont autant de formulations figurant dans les titres d’articles scientifiques qui reflètent le prisme à travers lequel la durabilité des CC est régulièrement abordée.

Maréchal, K., Plateau, L. & Holzemer, L. (2019). ‪La durabilité des circuits courts, une question d’échelle ? L’importance de court-circuiter les schémas classiques d’analyse‪. Économie rurale, 367(1), 45-60.

Des effets très intéressants pour l’écologie

Ce sont toutefois des effets qu’on peut qualifier de « secondaires » qui ont un impact clairement intéressants sur le plan écologique.

Orienter la consommation vers les légumes de saison

Tout d’abord, les produits qui sont les plus disponibles (ou abordables) par les circuits courts sont les légumes de saison. Ils ont besoin de moins d’intrants et de chauffage que les légumes élevés sous serre, ils peuvent donc être vendus moins chers.

Ce sont souvent des légumes auxquels on ne pense pas. Par exemple, peu de gens consomment des blêtes ou des panais, alors que ce sont des légumes assez fantastiques. On ne sait aussi pas toujours les cuisiner et les espaces de ventes sont justement le lieu idéal où échanger des recettes (pour les sites internet, cela dépend de la sagacité du webmaster).

Valoriser l’agroécologie

Ensuite, les consommateurs seront probablement d’autant plus enclins à valoriser les pratiques agroécologiques qu’ils habiteront à côté. Les agriculteurs seront très heureux d’utiliser moins d’intrants si les consommateurs les dédommagent de la perte de productivité.


Bruno Parmentier, Circuits courts : les chiffres qui montrent le véritable impact du transport de notre alimentation sur l’environnement (attention surprise), Atlantico, 31 juillet 2019