RTE: « La transition vers un hydrogène bas carbone »

RTE a publié en janvier 2020 un rapport sur l’hydrogène :  » La transition vers un hydrogène bas carbone, atouts et enjeux pour le système électrique à l’horizon 2030-2035. » Je vais ici vous en faire un court résumé.

Production et usage d’hydrogène actuels

La demande mondiale en hydrogène atteindrait 110 millions de tonnes (Mt), dont 40 « en mélanges avec d’autres gaz ». En France, elle s’élève à 1 mnt et représente 10MtCO2 par an, soit entre 2 et 3% des émissions nationales.

Une production substituable limitée

RTE fait le bilan de la production et des usages de l’hydrogène actuels en France. Actuellement, l’essentiel de l’hydrogène serait « fatal », c’est-à-dire coproduit d’une autre production. 40% serait destiné à l’oxydation d’hydrocarbures et donc resterait dans la raffinerie. 15%, résultant de la gazéification dans le cadre de la production de coke. Enfin les seuls 5% qui sont bas carbone viendraient de l’électrolyse de la saumure dans le cadre de la production de chlore. (p.15)

Ainsi, seulement 40%, produit par vaporéformage du méthane, pourrait être remplacé par de l’hydrogène bas carbone.

Une production d’hydrogène vert

C’est la piste de l’électrolyse de l’eau qui serait privilégiée, la capture et le stockage de carbone présentant « encore des incertitudes en matière de disponibilité, de fiabilité et d’acceptabilité » et le biogaz/biomasse ayant d’autres utilités plus pertinentes selon la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). La substituer au vaporéformage représenterait une consommation électrique additionnelle de l’ordre de 30 TWh. (p.6) RTE estime que la production électrique prévue par la PPE à l’horizon 2035 serait suffisante et qu’il n’y aurait pas de problème non plus en termes d’ « appels de puissance et de la sécurité d’approvisionnement ». (p.7)

Usages envisagés par RTE

Il y a principalement deux enjeux: décarboner les usages existants et équilibrer le système électrique.

Décarboner les usages existants

L’hydrogène vert pourrait servir à décarboner la mobilité lourde (transport routier, maritime ou ferroviaire lorsque l’électrification n’est pas viable); certains usages industriels, notamment dans la sidérurgie (réduction du fer) ou la cimenterie; en remplacement de combustible fossile pour les usages thermiques.

Il pourrait aussi réduire les émissions du système gazier, responsable en France de 100MtCO2/an de trois façons:

  • en étant mélangé au gaz dans des proportions faibles (2-7% de l’énergie)
  • en étant transformé en gaz par méthanation.
  • par « la conversion du réseau ou de portions de réseau à l’hydrogène pur et l’adaptation des équipements finaux (chaudières…). » (!!!) (p.16)

Equilibrer le système électrique

Une autre possibilité, qui interviendrait dans un second temps, serait d’être utilisé comme moyen de stockage d’énergie, permettant d’équilibrer les variations du système électrique. Le problème de cette solution est son rendement énergétique faible, 25 à 35%.

En revanche, ni la maturité technique et économique de cette solution, ni les caractéristiques du mix électrique
à moyen terme, ne conduisent à en envisager le déploiement autrement que sous la forme de démonstrateurs au cours des dix prochaines années en France métropolitaine.

p.19

Financement et rentabilité de la production d’hydrogène

La capacité des électrolyseurs [PEM ou SOEC je suppose] à varier leur consommation électrique pourrait être valorisée par le réseau, toutefois la valeur associé serait « limitée au regard des coûts des électrolyseurs ».

Il y aurait trois modèles d’affaires, consistant en un fonctionnement …

  1. lors des périodes de prix faibles, pour absorber les pics de production
  2. toute l’année, sauf en cas de prix élevés (pics de consommation)
  3. alimenté par de l’énergie photovoltaique sur site

Pour avoir la même production annuelle de 630ktH2, il faudrait respectivement 38GW, 3,7GW et 9 GW d’électrolyseurs installés dans ces scénarions.

Le second serait le plus viable, l’intermittence étant problématique, d’une part pour la rentabilisation des installations (« des facteurs de charge significatifs semblent néanmoins nécessaires pour au moins une partie des installations d’électrolyse (entre 3 000 et 6 000 heures par an) ») et d’autre part pour l’organisation de l’aval de la chaine.

Néanmoins, il mobilise une énergie qui aurait pu être vendue aux voisins, utilisant une énergie fossile. RTE estime que le solde d’export serait de 108TWh dans le scénario 2, contre 123 dans le premier. (p.41)

Le prix du vaporéformage serait, avec une tonne de CO2 à 30€, de 1.8€/kg d’hydrogène produit et de 4.9€ si la tonne de CO2 est à 375€. L’électrolyse couterait 6.7€/kgH2 dans une configuration « marginale » (= absorption des pics de production), 3€ dans une configuration normale hors situations de tension (= pics de consommation) et 3.5€ dans un système d’autoproduction photovoltaïque.

Les auteurs estiment que produire 630ktH2 en 2035 supposerait des investissement d’entre 1.9 (scénario 2) et 4.2 (scénario 1) milliards d’euros par an. La principale différence est le prix des électrolyseurs. (p.51)

De manière intéressante, l’augmentation du prix du CO2 pourrait desservir davantage l’électrolyse que le vaporéformage du méthane, pour une raison simple: les prix de l’électricité obéissent à une logique largement européenne. Si le CO2 coutait 100€/tonne, le prix du réformage serait augmenté, par rapport à un CO2 à 30€/t, de 0.6€/kgH2 produit pour le vaporéformage et 1€/ kgH2 produit par l’électrolyse (scénario 2)

Portée écologique du développement de l’électrolyse

Le développement d’hydrogène bas carbone serait une « brique importante pour la transition énergétique » permettant de :

  • décarboner la production de l’hydrogène et usage dans l’industrie et dans les transports lourds ou pour alimenter le réseau de gaz existant.
  • contribuer à l’équilibre du système électrique, à l’horizon 2050, dans l’hypothèse où les énergies renouvelables [intermittentes?] seront majoritaires, sera « une option à considérer », malgré son faible rendement (25-35%).

Ce développement devrait reposer « en grande partie sur l’électricité ».

Notez une inconsistance dans le rapport. RTE écrit d’abord que la production d’hydrogène mobilise 10MtCO2 par an, mais qu’on ne peut en substituer par l’électrolyse que 40%. (p.15) Plus loin, ils écrivent :

« Étant donné que le vaporeformage du gaz naturel conduit à émettre environ 9 kg de CO2 par kg d’hydrogène
produit, le transfert de 630 000 tonnes d’hydrogène de ce mode de production vers l’électrolyse conduit à réduire les émissions nationales de près de 6 millions de tonnes par an. »

p.46 (idem p.6 et p.49)

Ce chiffre serait abaissé à 5Mt/an en raison de l’effet de substitution sur l’exportation d’électricité bas carbone.