Que penser de l’hydrogène-énergie ? L’avis de Michel gay.

Michel Gay est un auteur qui a beaucoup publié de livres (Vive le nucléaire heureux; Sous-exposé !) et d’articles (notamment sur contrepoints) sur la question énergétique, surtout le nucléaire.

Il se présente comme un « simple citoyen« , pilote de chasse à la retraite semble-t-il, et est membre de l’Association des écologistes pour le nucléaire (AEPN), de la Fédération environnement durable (FED), et de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN).

Michel Gay adresse, dans plusieurs articles de très dures critiques contre les théories faisant de l’hydrogène vert une solution pour décarbonner les transports ou pour servir de stockage d’énergie pour absorber les variations des énergies renouvelables (ENR).

Nous allons les présenter article par article.

L’hydrogène, cet hallucinogène

Michel Gay 2018, « L’hydrogène, cet hallucinogène« , Contrepoints, 4 juin 2018

Fabriquer du dihydrogène est coûteux en énergie. Pour remplacer les sept milliards de tonnes équivalent pétrole (7MdTep) de pétrole et de gaz consommés par an dans le monde par du H2, les seules solutions viables sont l’électrolyse et la thermolyse de l’eau.

Ce ne serait pas viable pour les véhicules, car le réservoir pour parcourir 600km serait 10 plus gros (400 litres contre 42 litres) et 6 fois plus lourd (240kg contre 40kg) que son équivalent à essence. Le prix serait aussi largement plus élevé, l’hydrogène par électrolyse pour faire 100km coutant 17€.

Ce ne serait pas non plus viable en stockage d’électricité, les pertes étant énormes: 50% pour arriver à la bonbonne avec une pression de 700bars, puis 50% au moment de la restitution par la pile à combustible. De plus, le H2 ne pourrait probablement pas être utilisé dans le réseau de gaz naturel, l’atome hydrogène étant beaucoup plus petit que ce dernier.

« Il faut surtout retenir que l’économie hydrogène consomme en amont 75% à 90 % de l’énergie produite par une autre source d’énergie (nucléaire, vent, soleil, biomasse,…) pour n’en livrer que 10 à 25% à l’utilisateur final à un coût durablement élevé. Il faudra vraiment en avoir besoin pour gaspiller autant d’énergie et donc … d’argent. »

Véhicules : l’avenir n’est pas (du tout) à l’hydrogène

Michel Gay 2019, « Véhicules : l’avenir n’est pas (du tout) à l’hydrogène« , Contrepoints, 20 mai 2019

Il faut, pour faire 100km, 1kg d’lhydrogène, 20kWh d’électricité ou bien 7 litres d’essence. L’auteur estime que la recharge représenterait entre 21 et 35€ pour l’électrique, environ 75€ pour l’essence et … plus de 200€ pour de l’hydrogène vert (ce qui n’arrangerait pas le prix prohibitif des Toyota Mirai, Honda Clarity, et Hyundai Nexo).

Il semble clair que l’avenir n’appartient pas à l’hydrogène …

L’hydrogène, l’éternelle illusion

Michel Gay 2020a, « L’hydrogène, l’éternelle illusion« , Contrepoints, 8 janvier 2020

Cela fait depuis les années 1970 qu’on entend que la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau serait un miracle. Plus récemment, c’était le propos de L’économie hydrogène de Jeremy Rifkin.

Seulement 4% de la production mondiale d’hydrogène proviendrait de l’électrolyse, mais surtout comme « sous-produit de la préparation électrolytique du chlore et de l’hydroxyde de sodium ! » Le reste venant du vaporéformage de charbon (4%), pétrole (7%) ou gaz naturel méthane (85%). Il serait « utilisé principalement pour la synthèse d’ammoniac (52 %) composant les engrais » et « dans le raffinage du pétrole et la pétrochimie (38 %) pour éliminer le soufre. »

L’hydrogène peut servir de stockage d’énergie, c’est le « Power to gas » (P2G). Il serait notamment possible de le transformer en méthane. Cela coûterait 3 fois plus cher que le gaz naturel, dont le prix devrait, en plus, diminuer.

Pour la mobilité, le rendement serait abyssal : 16% en prenant en compte le processus dans sa globalité.

Utiliser l’hydrogène comme énergie serait en fait une lubie qui apparait et, dès qu’elle se confronte à la réalité, disparaît, engloutissant dans le processus des sommes gigantesques.

« L’utilisation de l’hydrogène suscite depuis 60 ans un engouement inversement proportionnel à sa réussite, notamment dans la mobilité. Les pouvoirs publics ont voulu mettre en avant cette solution avec des subventions conséquentes, peut-être pour faire rêver leurs électeurs. Mais les impitoyables bilans énergétiques et financiers ont toujours été décevants car les lois de la physique ne se soumettent pas aux décisions politiques. »

L’Allemagne sombre dans l’hydrogène… Et Macron applaudit… (Tribune)

Michel Gay 2020, « L’Allemagne sombre dans l’hydrogène… Et Macron applaudit… (Tribune)« , lemondedelenergie.com, 6 juillet 2020

L’Allemagne a choisi d’investir plusieurs milliards d’euros dans l’hydrogène pour en faire un « carburant du futur » pour remplacer les produtis pétroliers.

Il s’agirait de réguler, grâce à l’H2, la production électrique allemande, très dépendante d’énergies intermittentes. C’est la notion de « Power to gas ». [Rq: il me semble que les électrolyseurs ne tolèrent pas l’intermittence, d’où la solution de Lhyfe, qui permet de gérer ce problème. Bref, à creuser.] Celle-ci a toutefois une rentabilité très mauvaise.

L’un des problèmes d’utiliser l’hydrogène dans les voitures serait le prix prohibitif de la technologie.

L’auteur rappelle les données classiques : l’hydrogène est un vecteur énergétique et non une source d’énergie ; il est produit à 96% par vaporeformage.

L’hydrogène serait au final une farce dont le seul « dindin » serait le contribuable. Michel Gay ne mâche pas ses mots:

« Cette politique énergétique de l’Allemagne et de la France soutenue par l’Europe s’apparente à du «  vol en bande organisée » dont le repaire de brigands est à Bruxelles. »

Hydrogène vert : un jeu de dupes

Michel Gay 2020b, « Hydrogène vert : un jeu de dupes« , Contrepoints, 11 octobre 2020

Michel Gay rappelle que l’énergie n’est pas une source d’énergie, mais un vecteur, un moyen de transport de l’énergie. Il rappelle également la différence entre l’hydrogène gris, produit principalement à partir de méthane et très polluant, et l’hydrogène vert.

Une voiture à hydrogène alimentée par le premier ne polluerait pas moins qu’une voiture à essence.

S’agissant des avions, le stockage serait trop difficile :

De plus, pour les avions, il faudrait utiliser l’hydrogène sous forme liquide à moins 253°C, ce qui est encore plus compliqué. L’expérience a déjà été tentée il y a plus de 30 ans, et ce fut un échec sans résultats probants. Mais aujourd’hui, « on » serait beaucoup plus intelligent, même si les lois de la physique n’ont pas changé.

Enfin, pour remplacer l’essence en France avec de l’hydrogène vert, il faudrait … doubler la capacité d’électricité nucléaire …

L’originalité de cet article est surtout dans sa dénonciation du jeu de dupe consistant à promouvoir l’hydrogène-énergie.

C’est donc un jeu de dupes :

– les uns (pro-nucléaires) soutiennent l’hydrogène parce qu’il aura besoin du nucléaire pour produire régulièrement une grande quantité d’électricité nécessaire à sa production ;

– d’autres au contraire (anti-nucléaires) pour le « tuer » en résolvant techniquement et sans considérations économiques le difficile problème du stockage des énergies renouvelables intermittentes (ou fatalement variables de manière erratique…) ;

– d’autres enfin (industriels comme Air Liquide pour l’hydrogène et Total pour le gaz) afin de développer leurs activités sur de juteuses subventions.

Son analyse est pour le moins impactante:

« Chaque partie participe à un jeu de dupes en cherchant égoïstement à promouvoir ses propres intérêts ou ses croyances incompatibles. »

Hydrogène : j’y ai cru !

Michel Gay 2020c, « Hydrogène : j’y ai cru !« , Contrepoints, 28 octobre 2020

Peu après l’annonce par l’Allemagne de son plan hydrogène (« EnergieWende« ), la commission européenne emboite le pas.

Samuel Furfari, ingénieur-chimiste, qui a travaillé 36 ans dans le domaine de l’énergie et de l’environnement à la Commission européenne, déclare dans son livre « L’utopie hydrogène« : « L’hydrogène, j’y ai cru ! »

Il y montre « pourquoi tous les rêves sur l’hydrogène, et sur les biocarburants, sont voués à l’échec parce que fondés sur une idéologie politique ignorant la science.« 

Samuel Furfari se demande si cette illusion collective n’est pas une erreur assumée par certains politiciens cyniques pour couvrir une autre erreur antérieure : celle du développement à marche forcée des énergies renouvelables intermittentes, poussée par l’Allemagne pour favoriser le gaz !

Le retour de la folie hydrogène 

Michel Gay 2021, « Le retour de la folie hydrogène« , Contrepoints, 20 janvier 2021

Le plan de relance du gouvernement de septembre 2020 accordrerait 7 milliards d’euros à la filière hydrogène-énergie d’ici 2030. Michel Gay a donc rappelé pourquoi c’était absurde.

Tout d’abord, le rendement global du H2-énergie, qui est un vecteur énergétique et non une source d’énergie primaire, serait très faible : 50% pour produire et stocker l’hydrogène, puis encore la moitié restituée aux roues. En face, le système batterie aurait un rendement de 75%, soit trois fois plus élevé …

Pour remplacer le pétrole, il faudrait produire 600TWh d’électricité, sachant que notre parc nucléaire en produit 400.

Il y aurait également le problème du stockage, le réservoir d’une voiture à hydrogène demanderait d’être beaucoup plus lourd (3 fois plus) et volumineux (350 litres contre 60) que son équivalent à essence (pour faire 800km).

L’usage du gaz hydrogène en tant qu’énergie est quasiment inexistant au niveau mondial (1 % pour les fusées) car il est difficile à manier, conditionner, transporter, stocker…

Synthèse: Les critiques de Michel Gay

Des critiques classiques

On retrouve les grandes critiques contre l’hydrogène :

  • L’efficience : on perd énormément d’énergie à passer par l’hydrogène, alors qu’on pourrait utiliser directement de l’électricité.
  • Le stockage : l’hydrogène est particulièrement compliqué à stocker et transporter en raison de sa volatilité et de sa capacité à fuiter. Les réservoirs doivent être spécifiques.

Enfin, cette énergie serait plus dangereuse que les carburants classiques.

Quelques réserves

Je ne comprends pas sa critique de l’avion à hydrogène (« L’expérience a déjà été tentée il y a plus de 30 ans, et ce fut un échec sans résultats probants. Mais aujourd’hui, « on » serait beaucoup plus intelligent, même si les lois de la physique n’ont pas changé. ») : si les lois de la physique n’ont pas changées, ce n’est pas le cas de l’ingénierie et des matériaux disponibles.

Reste que, comme vous le constaterez dans notre synthèse sur l’hydrogène (Hydrogène, autonomie et transition énergétique), nous sommes globalement d’accord avec ses critiques.

Pour aller plus loin

Vous pouvez également lire ce que dit J-M.Jancovici sur le sujet, qui émet des critiques très proches contre l’hydrogène-énergie.

Sur Michel Gay: