Définition : Eutrophisation

Définition d’eutrophisation: Processus d’augmentation dans un cours d’eau ou une étendue d’eau de la quantité de nutriments et le développement d’algues correspondant. Le terme, entendu au sens large, peut inclure ses différents effets négatifs. Son contraire est l’oligrotrophisation.


Le terme d’ « eutrophe » (=eutrophique ?) a été inauguré en 1907 par Weber (1), écrivant à propos des tourbières, pour décrire les végétations ayant besoin de fortes concentrations d’éléments essentiels dans le sol pour se développer. (2) Le concept d’eutrophisation tel qu’on l’utilise aujourd’hui vient davantage de Naumann (1919) (3), qui qualifie l’eau des lacs de Suède d’ « eutrophic » (= eutrophisé ?) si elles ont beaucoup de nutriments (ou « oligotrophic » si elles en ont peu). Il le définissait en fonction de l’apparence des lacs en été et des principaux types d’algues présents.

Aujourd’hui, l’eutrophisation désigne l’augmentation dans un cours d’eau ou une étendue d’eau de la quantité de nutriments et toutes les conséquences que cela entraîne. Il s’agit surtout du développement d’algues qui peuvent finir par « étouffer » toute la vie présente. Parmi ses causes principales, il y a l’écoulement des engrais et des effluents d’élevages.

« Natural eutrophication is the adding of nutrients to an ecosystem, resulting in a decrease of available oxygen in the water. It is the force that drives the succession from lake to marsh to meadow to forest. »

Rast, Ansari, Singh et Lanza 2011, p.70 (2)

« Eutrophication is characterised by increased algal growth, with an
increased incidence of toxic cyanobacteria blooms and a decrease in the abundanceof species. »

Scholten, Foekema, Van Dokkum, Kaag et Jak 2005, p.1 (4)

Processus de l’eutrophisation

L’eutrophisation se produit lorsque la quantité de nutriments (phosphore et azote, souvent sous forme de phosphates et nitrates NO3) disponibles augmente. Mécaniquement, les populations de végétaux, surtout les algues, augmentent. Ces dernières finissent par bloquer les rayons du soleil.

Lorsque les algues meurent, elles se décomposent et nourrissent des bactéries dites « aérobies », qui consomment l’oxygène de l’eau. La prolifération de ces dernières peut littéralement asphyxier les autres espèces et créer des « zones mortes ».

Au bout d’un certain temps, ce sont les bactéries anaérobies (qui n’ont pas besoin d’oxygène) qui se développent et dominent le processus de décomposition. Celles-ci émettent du méthane (CH4) et du Sulfure d’hydrogène (H2S). Voici quelque autres effets négatifs.

  • Production de toxines par certaines algues
  • Rend plus difficile le traitement des eaux.
  • Blocage des tuyaux et des voies d’irrigation.
  • pH successivement trop bas la nuit (quand la photosynthèse des algues libère du CO2 dans l’eau) et trop élevé le jour (quand elles en prélèvent pour leur respiration).

Cela nuit aussi directement aux humains, en dégradant le paysage (ex: algues vertes sur les plages de bretagne) et rendant la fréquentation des étendues d’eaux plus difficile.


Mousse formée par l’algue Phaeocystis dans le nord de la France. Ces infestations peuvent être causées par l’eutrophisation du littoral.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Phaeocystis
Retrait d’algues bloquant une écluse de la Loire.
Source : https://lejournal.cnrs.fr/articles/quand-les-ecosystemes-saturent

Notez qu’eutrophisation peut décrire le processus au sens strict (augmentation des nutriments) ou au sens large, incluant conséquences négatives. (Scholten, Foekema, Van Dokkum, Kaag et Jak 2005)

Dans les cas extrêmes, le milieu est dit « hypertrophique ». On parle aussi de dystrophisation. Pour aller plus de détails sur le processus exact, je vous recommande les articles Wikipedia, qui sont très précis et fouillés.

Causes anthropiques (=d’origine humaine)

Ce processus se produit naturellement pour les lacs. Les cours d’eau apportent toujours un peu plus de nutriments et le lac se remplit de plus en plus de matière organique. Cela prend plusieurs centaines ou milliers d’années à arriver dans ses phases « finales ».

L’eutrophisation de source humaine (=anthropique) ne prend que quelques dizaines d’années.

  • Ruissellement d’engrais d’exploitations agricoles et/ou de leur système d’irrigation
  • Ruissellement et fuites d’effluents d’élevage
  • Libération ou fuite d’eaux usées et de boues d’épuration d’origine urbaine ou industrielle
  • Dépots d’origine atmosphérique

La destruction des forêts, favorisant le ruissellement et l’érosion, favorise indirectement l’eutrophisation.

Ampleur

Si on décrit dès l’Antiquité des proliférations ponctuelles d’algues, « le phénomène prend véritablement une dimension planétaire vers la fin du XIXe siècle, lorsque commencent à se multiplier les grandes agglomérations et leur cortège de zones industrielles. » (5) Ce problème sera dans un premier temps géré par le développement des stations d’épurations.

Ensuite, l’eutrophisation des cours d’eau a été largement favorisée par le développement de la population, de l’élevage et de l’utilisation d’engrais. C’est un problème mondial qui a commencé à alerter dès les années 70, « remonte aux années 1970, lorsque des milieux naturels emblématiques tels que les Grands Lacs d’Amérique du Nord ou le lac Léman ont vu leur concentration en oxygène diminuer de manière drastique » (5).

Cette crise aurait été liée à la présente de phosphates dans les lessives. Leur interdiction a permis de donner un répit de courte durée, mais les zones eutrophisées se développent de plus en plus.

« Sur la base des modèles les plus récents déployés à l’échelle mondiale, les flux sortants à la mer ont quasiment doublé au cours du XXsiècle, aussi bien pour l’azote que pour le phosphore. Au niveau mondial, le nombre et l’emprise des zones très pauvres en oxygène en milieu marin ont triplé depuis les années 1960. Un recensement de 2010 les porte à près de 500, avec une emprise géographique de 245 000 km². »

Restitution de l’expertise scientifique collective sur l’eutrophisation

Voilà la carte présentant les excédents d’azote en Europe en 2005:

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Eutrophisation

Solutions

On pense tout de suite à l‘agriculture de précision pour limiter le ruissellement des engrais:

  • On évite d’épandre avant les épisodes pluvieux grâce aux applications renseignant précisément sur la météo, comme Sencrop ou Weenat.
  • On analyse mieux les besoins des plantes m² par m² avec des cartographies pour pratiquer la modulation, comme MyEasyFarm.

Il y a aussi les intrants verts qui pourraient aider à limiter l’utilisation d’engrais classiques.

Plusieurs pratiques agronomiques permettent aussi de limiter l’utilisation d’engrais:

Il y a de très nombreuses pratiques, mais nous les détaillerons une autre fois.

Notice

Dans l’abstrait, cela pourrait décrire l’augmentation des nutriments de n’importe quel système, mais son appelation la plus courante désigne les cours ou étendues d’eau.

  1. Weber CA (1907) Aufbau und Vegetation der Moore Norddeutschlands. Bot Jahrb 40(Beibl 90):19–34
  2. Walter Rast, Abid A. Ansari, Gill Sarvajeet Singh, Guy R. Lanza, Eutrophication: causes, consequences and control, éd.Springer, 2011
  3. Naumann E (1919) Några synpunkter angående limnoplanktons ökologi med särskild hänsyn till fytoplankton. Svensk Bot Tidskrift 13:129–163
  4. M.Scholten, E.Foekema, H.Van Dokkum, N.Kaag et R.Jak, Eutrophication management and ecotoxicology, éd. Springer, 2005
  5. CNRS, Quand les écosystèmes saturent, 19.09.2017

Pour aller plus loin:

  • https://www.newyorker.com/magazine/2023/03/06/phosphorus-saved-our-way-of-life-and-now-threatens-to-end-it