Sylfen: électrolyse réversible et cogénération

Sylfen est une startup développant une solution de production d’énergie à l’échelle d’un bâtiment. Ils produisent de l’électricité par des panneaux solaires et en stockent l’excédent sous forme de dihydrogène grâce à un électrolyseur réversible, qui peut ensuite le retransformer en électricité. De la chaleur est produite au cours des deux opérations.


L’ambition de Sylfen : décarboner l’énergie des bâtiments

Le projet de Sylfen se base sur un procédé permettant de produire et stocker une électricité intermittente et les logiciels permettant de combiner ce procédé avec la consommation d’électricité du bâtiment et ses autres sources d’approvisionnements.

Le procédé

Le coeur du projet est la technologie d’électrolyseur à oxyde solide réversible développée par le CEA (probablement une autre que celle dont Genvia industrialise la production ?). Ils l’appellent ici « processeur d’énergie RSOC », RSOC pour Reversible Solid Oxide Cells. La valeur ajoutée de Sylfen réside surtout dans la solution logicielle qui sera utilisée pour optimiser l’apport d’énergie multi-sources avec une logique de bâtiment intelligent (smart building).

Sylfen a pour ambition de décarboner la consommation d’énergie des bâtiments grâce à l’hydrogène:

  1. De l’électricité serait produite par des panneaux solaires sur le toit.
  2. Cette électricité serait transformée par électrolyse à haute température en hydrogène, qui serait stocké, et en chaleur, qui serait utilisée pour chauffer les bureaux.
  3. L’appareil pouvant également servir de pile à combustible, l’hydrogène stocké peut ensuite être reconverti en électricité (et en chaleur) en cas de besoin.

Ainsi, l’approvisionnement d’électricité des panneaux solaire serait lissé: on aurait géré l’intermittence. En outre, vu qu’on utilise une pile à combustible à oxydes solides (SOFC, Soft Oxide Fuel Cell), on peut aussi utiliser du méthane s’il n’y a pas assez d’hydrogène.

Une batterie servirait également à faire tampon pour limiter les pics de puissance, que ce soit venant des panneaux solaires ou de la consommation d’électricité. En effet, l’électrolyseur / pile à combustible à une certaine inertie et une puissance limitée.

Globalement, la startup allègue une réduction des émissions de CO2 de 50 à 75% et « 70 à 100% d’autonomie énergétique » pour le bâtiment.

En termes d’espace, les modules RSOC tiendraient dans une armoire de 1,2m sur 2m de haut. Le réservoir à hydrogène serait, lui, placé à l’extérieur. (2) Le système s’appelle le « Smart Energy Hub ».

L’importance du conseil

Le conseil était en 2020 une des prestations proposées par l’entreprise. (1) Encore aujourd’hui c’est au coeur de la prestation. En effet, l’offre commence par étudier le bâtiment, sa configuration, sa consommation en détail « et l’intégration dans son environnement local, pour exploiter de possibles synergies (parkings, partages de production ou de consommation, etc.) ». (https://sylfen.com/fr/offres/)

L’éternel problème de l’intermittence

Pour qui a lu le rapport RTE, le problème est évident : est-ce que c’est rentable ? En effet, ledit rapport nous apprend que le problème d’utiliser l’électrolyse pour gérer l’intermittence est que l’électrolyseur est sous-utilisé et, du coup, ne peut pas couvrir ses coûts fixes. On peut donc se demander si l’électrolyseur fonctionnera suffisamment pour être rentable. On peut répondre qu’il fait aussi pile à combustible. Soit, mais il y a déjà, à la base un réseau d’électricité … Bref, il faudrait poser l’équation, mais nous n’avons pas de chiffres.

La valeur ajoutée de l’entreprise est sa solution logicielle, mais elle donne peu d’élément sur le détail de son fonctionnement. Un cas d’étude nous permettrait de mieux le saisir. Est-ce qu’il y a, par exemple, une différence fondamentale avec Panga ? Est-ce que leur technologie porte un « moat », une barrière qui les protégera ? La cogénération n’est pas vraiment une spécialité du seul CEA. Au Japon, c’est un procédé largement utilisé avec le dispositif ENE-Parc: est-ce qu’ils n’ont pas déjà développé des applications de smart building comme celle de Sylfen ?

Cette technologie de cogénération est une des pistes assez populaire en matière de bâtiment. Sylfen sera-t-elle l’entreprise qui arrivera à la viabiliser ?

La startup Sylfen

Sylfen a été créée le 5 juin 2015 à Grenoble par Nicolas BARDI et Caroline ROZAIN, rejoints en 2016 par Marc POTRON. Le premier démonstrateur, nommé « SmartHyes », pour « Smart Hydrogen Energy System » a été conçu en mai 2018 (3). L’entreprise rejoint en janvier 2018 le projet européen Reflex, coordonné par le CEA-Liten, vise la réalisation d’un Smart Energy Hub de 3 modules, chacun ayant une puissance allant jusqu’à 40kWe en électrolyse; à son opération pendant >8000h en 2020, sur le bâtiment siège d’Envipark; et à augmenter la puissance des stacks pour densifier le système. (4)

L’entreprise produit ses propres électrolyseurs dans un site industriel de 460m² au Cheylas (sur le site de SLS Actiparc), dans lequel elle a emménagé en 2020 (5). Elle cible les entreprises (bureaux, entrepôts, grandes surfances …) et les collectivités territoriales (administrations, gymnases, bâtiments éducatifs …).

En mars 2022, la startup a obtenu le prix Clean Tech Open des mains de Thomas Lesueur, Commissaire général au Développement Durable, dans les locaux de BPI France.

Le 10 mai 2022, Sylfen a levé 10 millions d’euros, faisant entrer à son capital le Groupe IDEC, Supernova Invest, Elaïs Orium ainsi que Crédit Agricole Alpes Développement (C2AD) aux côtés de ses actionnaires historiques CEA Investissement et EIT InnoEnergy. Le Groupe Idec regroupe une vingtaine d’entreprises autour du secteur immobilier.

Elle est immatriculée 266 Avenue de savoie, 38 570 Le Cheylas et enregistrée au Greffe de Grenoble, avec le Siren 811828086. Son code NAF est 7112B – Ingénierie, études techniques.


Sources particulières :

  • (1) Passage de Sylfen sur BSmart, 23 octobre 2020, https://sylfen.com/fr/2020/10/23/passage-de-sylfen-sur-bsmart/
  • (2) Tout comprendre sur Sylfen en 4′ chrono !, 3 mai 2022, https://sylfen.com/fr/2022/05/03/tout-comprendre-sur-sylfen-en-424/
  • (3) https://sylfen.com/fr/2018/05/22/avancees-techniques-majeures-avec-le-demonstrateur-smarthyes/
  • (4) https://sylfen.com/fr/2018/05/22/le-projet-europeen-reflex/
  • (5) https://sylfen.com/fr/2020/05/19/sylfen-change-d-echelle/