Définition du biomimétisme

Définition du biomimétisme : Le biomimétisme est une pratique consistant à s’inspirer de la nature pour créer de nouveaux matériaux, produits ou designs. Il est possible de s’inspirer non seulement des formes et matières, mais aussi du fonctionnement en écosystème et des organisations.

Le biomimétisme : imiter la nature

Enoncé dans les années 90 par Janine Benyus, le principe du biomimétisme, s’inspirer de la nature, est en fait ancien, remontant notamment à Léonard de Vinci.

Histoire du biomimétisme

Le biomimétisme ne date pas d’hier :

Depuis l’aube de l’humanité, l’observation de la nature a conduit à toutes sortes d’innovations. Ce sont les Inuits qui dans l’Arctique imitent l’ours blanc pour chasser sur la glace les phoques, et Leonard de Vinci qui créait ses folles machines volantes en se basant sur l’étude du vol des oiseaux. C’est Gustave Eiffel qui s’inspire de la structure osseuse d’un fémur humain pour créer la tour qui portera son nom et symbolisera Paris aux yeux du monde. Ou encore le Velcro inventé par George de Mestral en 1948 à la vue des fleurs de bardane accrochées à son manteau et aux poils de son chien après une promenade.

Chekchak, Tarik, et Karim Lapp. « Biomimétisme, la nécessaire resynchronisation de l’économie avec le vivant », Écologie & politique, vol. 43, no. 3, 2011, pp. 159-166.
La tour Eiffel aurait été inspirée par la structure du fémur.

L’idée est au centre même de plusieurs oeuvres de Leonard de Vinci, dont ses très fameuses machines tentant de reproduire le vol des oiseaux.

Léonard de Vinci ailes biomimétisme

Le concept en tant que tel a commencé à être utilisé dans les années 60, mais ce n’est qu’en 1997 qu’il a été vraiment popularisé, par le livre « Biomimicry: Innovation Inspired by Nature » de Janine Benyus.

Il s’agit, en un mot, de s’inspirer de la nature pour innover. Je reviendrais sur la définition précise plus tard.

Quelques exemples

  • Les diatomées: créer un verre à température ambiante

Les diatomées sont des micro-algues unicellulaires qui se créent une carapace de verre à température ambiante. Cela a inspiré le développement du procédé dit de « sol-gel » ou « solution-gélification ».

Son principe « n’est pas différent de celui de la diatomée. Prenez de la silice – principal constituant du sable –, dissolvez-la dans l’eau puis procédez à une simple opération de polymérisation en présence de catalyseurs et en jouant sur le pH. Vous obtiendrez du verre dans des conditions beaucoup plus douces que celles traditionnellement utilisées par l’industrie, qui consistent à chauffer du sable à 1 500 °C pour le faire fondre. » (CNRS)

Ses applications pourraient être nombreuses : diminuer la consommation d’énergie de la production de verre, créer des matériaux hybrides organo-minéraux, encapsuler des organismes vivants … Ce procédé serait même déjà largement répandu : « Aujourd’hui, du textile à l’automobile, ces matériaux ont envahi notre quotidien ». Pour plus de détails, je vous encourage à lire cet excellent article du CRNS.

Notez que c’est une algue très courante, qui produirait un quart de l’oxygène que nous respirons

  • Les cristaux liquides naturels

On trouve des cristaux liquides dans la nature:

Connus pour leur utilisation dans les écrans plats, les cristaux liquides sont aussi omniprésents dans le vivant, chez les animaux comme chez les végétaux. Essentielle pour la recherche fondamentale, leur étude ouvre d’immenses perspectives d’applications, notamment dans le domaine des matériaux biomimétiques.

https://lejournal.cnrs.fr/articles/tous-les-cristaux-liquides-sont-dans-la-nature
  • Le velcro

Le velcro est inspiré d’une plante, la bardane, dont elle a reproduit les crochets au bout de ses épines:

Bardane
  • Robotique

De manière générale, la biomimétique est très courante en robotique. En témoigne ce robot-langouste :

Crédits : Jodi Hilton/The New York Times/REA
  • Architecture

Le biomimétisme inspire aussi la conception de bâtiments, comme l’église Eastgate à Harare (Zimbabwe), « dont la ventilation verticale reproduit l’effet « cheminée » des termitières et offre à l’édifice une température ambiante confortable sans climatiseur. »

Crédits : Régis L’hostis/IN SITU architecture

Les exemples sont infinis:

  • Les réseaux de neurones, une technologie de Machine Learning, ont été conçus par analogies … aux neurones. Bhé oui :p
  • Le nez du shinkansen (le TGV japonais) aurait été inspiré par le martin pécheur
  • L’aigle des steppes aurait inspiré la forme du bout des ailes d’avion
  • Un modèle de torpille deux fois plus rapide que les torpilles traditionnelles, la Chkval, aurait été inspiré par la pince de la crevette-mante.
  • Le stade national de Pékin est surnommé le « nid d’oiseau »
  •  Le Lotus Temple de New Delhi prend la forme d’une fleur
  • La salle de concert Singapourienne The Esplanade imite la peau du durian

Entreprises, innovation et biomimétisme

Voici quelques startups greentech faisant du biomimétisme.

Biosourcing et biomimétisme ?

Notez qu’il faut distinguer le biosourcing (ex : Bolthread, FIBandCO, Vibers, Woodoo, etc.) du biomimétisme. En effet, la nature ne fait pas de textiles en toile d’araignée (Bolthread), de planche de bois (FIBandCO), de bâtiments en bois augmenté (Woodoo) ou de « plastiques » (entre autres) à base d’herbe à éléphant (Vibers).

Toutefois, les deux peuvent se recouvrir. Par exemple, la méthode de production de Bolthread exploite le processus de développement du mycelium lui-même. Du coup ce n’est pas le produit, mais la méthode de production qui est biomimétique.

Ecosystèmes

Le biomimétisme est plus évident chez les startups tentant de recréer / rétablir / renforcer les écosystèmes. Ces start up proposent des solutions particulièrement respectueuses de l’environnement.

Par exemple, Dendra system et Landlife permettent de réhabiliter les mines en implantant une forêt dessus. Dans la même idée, Valorhiz analyse et traite les sols endommagés et Biomede dépollue les sols à l’aide d’un cocktail de plantes conçu sur mesure.

Il y a aussi toute une tendance d’intrants verts qui consistent à renforcer la biodiversité du sol, avec un cocktail de bactéries et autres micro-organismes (Holganix, concentricag, NewLeaf Symbiotics, Indigoag et Axioma France) ou bien grâce à des champignons « mycorhiziens » (Mycophito).

Autres

Amoeba élimine bactéries et amibes grâce à une amibe. Biomae étudie la pollution à l’aide de petits crustacés, les gammares. L’hydrolienne Eel Energy imite l’ondulation des anguilles.

Actualités du biomimétisme

En 2014 a été créé le Centre européen d’excellence en biomimétisme de Senlis (CEEBIOS) dans la ville de Senlis. Peu après, dès 2015, le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) a rendu un rapport encourageant le développement du biomimétisme et suggeérant un soutien public en faveur de Ceebios. Parti d’une initiative communale, le CEEBIOS a réussi a gagné une envergure nationale et notamment organisé Biomim’Expo, un salon sur le biomimétisme, depuis 2016. (site ceebios)

Ceebios est dirigé par Kalina Raskin, une ingénieure physico-chimiste doctoresse en neurosciences, et présidé par Gilles Boeuf, professeur émérite à Sorbonne Université et professeur consultant à AgroParisTech. Kalina Raskin est également conseillère éditoriale pour la revue Techniques de l’Ingénieur et suit les travaux de normalisation ISO sur le biomimétisme. (ceebios)

Gauthier Chapelle, docteur en biologie et ingénieur agronome, a écrit ou coécrit plusieurs ouvrages autour du biomimétisme. Pour mettre en acte ces convictions, Gauthier Chapelle a créé une association, Biomimicry Europa, en 2006 dont l’objet était de promouvoir le biomimétisme en Europe. Elle a toutefois cessé son activité.

Normalisation ISO du biomimétisme ?

En 2011 a été lancé un projet de normalisation industrielle par une commission AFNOR présidée par Thibault Prévost visant les notions de biomimétique et de biomimétisme. En 2015, les normes « ISO 18458, Biomimétique – Terminologie, concepts et méthodologies » et ISO 18459, Biomimétisme – Optimisation biomimétique, élaborées par Michael Schmitt, viennent clarifier le domaine. La biomimétique est présentée comme « la science consistant à appliquer des principes tirés de la nature pour mettre au point de nouvelles technologies et solutions ». Le biomimétisme, quant à lui, est l’application de la biomimétique. (ISO)

Biomimétisme et écologie

Le biomimétisme est très populaire en greentech pour deux raisons :

  • nous avons besoin de remplacer les métaux et autres plastiques pour limiter l’extraction minière (et ne pas en être dépendants)
  • la nature a optimisé beaucoup de choses au fil de millions d’années d’évolution. C’est une belle source d’inspiration pour avoir plus d’efficacité pour moins de consommation (d’énergie, etc.)

Toutefois, ce lien n’est pas automatique.

Attention toutefois à « l’appel à la nature »

Il n’y a pas de lien direct entre biomimétisme et écologie. On pourrait se dire que les procédés naturels seraient favorables à la nature : NON. Pensez aux incendies de forêt ou à l’acidification des océans : c’est « naturel », mais ce n’est pas vraiment favorable à ce que nous appelons actuellement l’écologie.

Attention à un biais cognitif très présent actuellement : l’appel à la nature. C’est l’idée que le naturel ou le biologique seraient par définition meilleur. On voit beaucoup cela en matière agricole, où le « bio » lui-même est fondé sur cette idée.

Pour la représentante des entreprises au CESE, Catherine Tissot-Colle, le biomimétisme n’est « pas un miracle » et il doit « faire ses preuves économiques et technologiques », mais il représente « une inspiration pour de nouveaux modes de production et de fonctionnement, plus économiques ».

Le Monde

Bref, attention à ne pas confondre : le biomimétisme est une source d’inspiration, pas un dogme.

Définition du biomimétisme

J’ai préféré commencer par vous montrer ce que c’est et comment on l’applique avant d’entrer dans les discussions sur la définition du biomimétisme.

Janine Benyus propose trois aspects au biomimétisme :

Nature comme modèle : Biomimétisme est une nouvelle science qui étudie les modèles naturels et imite ou s’inspire de ses designs et processus pour résoudre des problèmes humains (ex: les cellules photovoltaïques inspirées par les feuilles)

Nature comme mesure. Le biomimétisme utilise un standard écologique pour juger de la « justesse » de nos innovations. Après 3.8 milliards d’années d’évolution, la nature a appris ce qui marche, ce qui est approprié, ce qui est durable.

Nature comme mentor. Le biomimétisme est une nouvelle façon de voir et de valoriser la nature. Il introduit une ère basée non sur ce qu’on extrait du monde naturel, mais de ce qu’on peut en apprendre.

Janine Benyus, Biomimicry: Innovation Inspired by Nature, éd. HarperCollins, 1997

Vous voyez qu’on dépasse très largement le cadre de l’innovation et qu’on est sur des définitions au final assez idéologiques. Je ne pense pas que le biomimétisme soit, en outre, une « science », au sens où il ne mobilise pas un set particulier de connaissances : c’est de la biochimie, de la physique, etc.

C’est pour cela que je retiens la définition que je vous ai donnée au début: Le biomimétisme est une pratique consistant à s’inspirer de la nature pour créer de nouveaux matériaux, produits ou designs.


FAQ

  • Quel est le but du biomimétisme ?

Le biomimétisme a pour but de développer des innovations en s’inspirant de la nature. Certains lui imputent un objectif écologique, mais ce qui vient de la nature n’est pas forcément bon pour l’environnement.

  • Qui a inventé biomimétisme ?

Léonard de Vinci a été le premier à adopter clairement cette démarche d’imitation de la nature.

  • Pourquoi s’inspirer de la nature ?

L’évolution permet aux insectes, animaux et plantes de dépasser des challenges complexes. C’est une source d’inspiration infinie.

  • Quelle est la différence entre le biomimétisme et le Biomorphisme ?

Le biomorphisme est une tendance artistique consistant à imiter la forme du vivant. Le biomimétisme est donc un ensemble beaucoup plus large, incluant non seulement les formes, mais les modes d’organisation et de fonctionnement. Le biomorphisme n’est qu’un petit aspect du biomimétisme.


Pour aller plus loin: