L’agriculture dans l’antiquité et la préhistoire

« This transition from hunting and gathering economies to those based on agriculture was one of the most significant and transformational events in human history, affecting virtually every sphere of human society since its inception through to the present day. Perhaps because of this, the Neolithic defies easy definition »Simmons 2015 p.210

L’apparition de l’agriculture a marqué la fin du mésolithique et le début du néolithique. Elle est développée de manière progressive à plusieurs endroits du globe, à partir de plusieurs foyers à partir du IXe millénaire av. JC pour se répandre petit à petit dans le monde.

Toutefois, même après avoir appris l’agriculture et l’élevage, les populations ne les adoptaient pas immédiatement: le recul de la chasse et de la cueillette a été lent et, certaines communautés pouvaient y retourner si leurs essais n’étaient pas concluants. Certaines communautés, comme les indiens Mohave, Cocopa et Yuma, ont même fait le choix de continuer à chasser et cueillir jusque récemment. (Leigh 2004, p.53) Pour mieux comprendre ces processus, il faudra faire un point sur la notion de domestication.

Les foyers d’apparition de l’agriculture

L’agriculture est apparue dans plusieurs foyers indépendamment les uns des autres. Voici les principaux:

  • Le plus important et le plus ancien a sans doute été celui qui est né au Moyen-Orient au Xe millénaire avant notre ère dans le fameux « Croissant fertile ». De là, l’innovation s’est répandue sur trois continents: au V millénaire, elle s’était étendue de l’ensemble de la Méditerranée au nord de l’Inde. Au IIIe millénaire, elle avait atteint toute l’Europe
  • Le foyer Chinois au VIe millénaire av. J-C., qui a touché la Chine, le Japon et l’Asie du Sud-Est. Le foyer Nord-Guinéen, dans l’actuelle Java, semble le plus ancien (IXe millénaire av.J-C), mais n’a pas eu beaucoup de portée. Sur le continent Américain, le premier foyer se situe au Mexique entre le VIIe et IIe millénaire av. J-C.
  • En Amérique du Nord, vers le IIe millénaire av. J-C, au nord de l’actuelle Floride, dans le bassin du moyen Mississippi.
  • En Amérique du Sud vers le IVe millénaire av. J-C, avec la civilisation Inca, qui développa un système agraire complexe basé sur une irrigation originale.

Un développement progressif

« L’agriculture n’a jamais été découverte ni inventée »Harlan, cité par Mazoyer et Roudart 1997, p.101

On a souvent une vision un peu idéalisée du processus d’innovation: on découvrirait la bonne idée et immédiatement, elle réussirait à être implémentée avec succès. En réalité, c’est souvent long, douloureux et inconstant: au début, ça ne marche pas, les pionniers paient les pots cassés. C’est exactement ce qui s’est passé pour l’agriculture. Les tribus de chasseurs-cueilleurs sont passées très progressivement à l’agriculture. Il a fallu d’abord identifier les espèces qu’il était intéressant de domestiquer, puis élaborer des techniques pour.

« Entre 10 000 et 5 000 ans avant le présent, quelques-unes de ces sociétés néolithiques ont en effet commencé de semer des plantes et de garder des animaux en captivité, en vue de les multiplier et d’en utiliser les produits. Par là même, après quelque temps, ces plantes et ces animaux particulièrement choisis et exploités ont été domestiqués et, ce faisant, ces sociétés de prédateurs se sont transformées d’elles-mêmes, très progressivement, en sociétés de cultivateurs et d’éleveurs. »Mazoyer et Roudart 1997, p.47

« Pendant des siècles, les chasseurs-cueilleurs Mogollon [au nord de l’actuel Mexique] avaient complété leur alimentation par de la nourriture cultivée. Au VIe siècle, les produits cultivés, surtout le maïs, formaient une large portion de leur régime quotidien. Néanmoins, vers cette période, pour une raison inconnue, la proportion de produits cultivés a diminué de 80%, alors que la consommation d’animaux et de plantes sauvages augmentait proportionnellement. Au VIIIe siècle, cette tendance a été inversée […]. »Traduit de l’anglais, Rasmussen 2010, p.162-163

« Early settlers in California reported that there were oak groves planted in straight lines—the legacy of now- vanished Native American tribes who relied on carbohydrate- rich acorns for food. This is an example of one intermediary stage between hunting gathering and agriculture—“casual cultivation,” whereby nomadic or partly nomadic peoples plant crops but do not live alongside them. The oaks were obviously a long- term proposition; other Native American groups in semiarid areas of the American southwest are known to have planted fi elds of crops, undertaken basic watering and weeding, and then left them until it was time to return to the area for harvest. »Kingsbury 2009, p.18

Qu’est-ce que la domestication ?

L’agriculture se caractérise par la domestication des espàces exploitées. Mais qu’est-ce que la domestication ? Classiquement celle-ci suppose un changement génétique acquis à la suite d’un contact prolongé avec les humains. Avant la phase de domestication, on parle de « protoculture » et « protoelevage ». Ainsi, les Natoufiens avaient exploité des gazelles, sans générer cette modification génétique. (Simmons 2015, p.219) De même, on sait récolter et travailler le blé depuis plus de 20 000 ans !

For example, 23 000 years ago, people in the Jordan Valley were already harvesting and grinding wild cereal grains, and baking the flour into bread and cakes. Discoveries of similar grinding implements dating back as far as 48 000 years ago might mean that the management and processing of cereals went on for well over 30 000 years before these plants were ever cultivated as crops.Denis Murphys, Plant Breeding and Biotechnology, Societal Context and the Future of Agriculture, éd. Cambridge University Press, 2007, p.9

C’est néanmoins une question assez complexe et controversée:

« Several researchers now believe that the criteria for determining domestication must be re-evaluated and that several species may have been ‘anthropologically’ domesticated even if morphological changes had not yet occurred. »Simmons 2015, p.219

« Domestication » is the evolutionary process whereby h umans modify, either intentionally or unintentionally, the genetic makeup of a population of plants or animals to the extent that individuals within that population lose their ability to survive and produce offspring in the wild.Blumler et al. 1991, p.24

Cette définition semble discutable. Ainsi, un commentateur observe qu’elle excluerait les cochons et les chevaux. (Blumler et al. 1991, p.39)

Les systèmes agricoles

Je vais reprendre ici la logique de présentation de « systèmes agricoles » utilisée par Mazoyer et Roudart (1997). Je ne suis pas sûr qu’elle soit parfaitement exacte, mais elle me semble assez pédagogique.

Les premiers systèmes ont été la culture sur abattis-brulis (= on utilisait la forêt comme engrais en la coupant et faisant bruler régulièrement), le pastoralisme, puis des systèmes basés sur l’irrigation, comme chez les Incas et en Egypte. L’abattis-brulis n’est toutefois pas durable, à moins d’utiliser des zones gigantesques. En Europe, c’est le système à jachère (« Two fields systems ») qui s’est imposé. S’agissant des civilisation irrigatrices, elles sont un peu à part et je dois encore approfondir leur étude. Je vous les présenterai néanmoins rapidement.

Les premiers systèmes agricoles: abattis brûlis et pastoralisme

Les Civilisations irrigatrices ou systèmes agricoles hydrauliques

Tout d’abord, étudions les

Les systèmes d’irrigation sont presque aussi vieux que l’agriculture:

  • « Les plaines inondables du Trigre et l’Euphrates ont été cultivée après 6 000 av. J-C. Dès 5500, des canaux d’irrigations avaient été construits pour déplacer l’eau de la rivière vers les champs et pour faciliter le drainage après les innondations de printemps. » (Rasmussen 2010, p.2)

Autour du grandes civilisations dont les systèmes agricoles et sociaux reposaient sur l’irrigation. Il y en avait essentiellement deux types. Les uns reposant principalement sur la submersion des cultures par un cours d’eau, qui apportait non seulement l’eau, mais aussi a fertilité en déposant des alluvions:

  • L’Egypte évidemment, dépendait des crues et décrues du Nil et avait développé un système pour optimiser le processus, avec des petits murets retenant l’eau. La construction du barrage en amont du Nil par Nasser a stoppé cette mécanique et mis en danger l’agriculture Egyptienne.
  • Les sumériens. On trouve des traces d’irrigation en Mésopotamie dès le VIe millénaire av. J-C. chez les Halafians à Tell es-Sawwan, sur les bords du Tigre. De même des Ubaid qui ont également développé des techniques pour drainer les marais. La région subit des pluies torrentielles, est régulièrement inondée et subir des chaleurs très fortes. Les Sumériens vont, à partir de 4000 av. J-C. largement développer l’agriculture et le système d’irrigation de la région. Les surplus agricoles ont permis la naissance d’Uruk, « le premier centre urbain suffisamment large pour être considéré comme la première cité-Etat au monde. » (Rasmussen 2010, p.80-84.)
  • Les indiens d’Amérique Mohave, Cocopa et Yuma, qui exploitaient la montée annuelle des fleuves Colorado et Gila pour fertiliser leurs cultures. (Leigh 2004, p.53, faisant référence à Castetter et. Bell, Yuman Indian Agriculture: Primitive Subsistence on the Lower Colorado and Gila Rivers, 1951)

D’autres civilisations ont développé des sustèmes d’irrigation indépendant des crues:

  • Les Incas
  • Les Aztèques auraient, pour rendre Tenochtitlan, une cité au milieu d’un lac, plus résiliente, conçu des plateformes permettant de cultiver sur l’eau: les chinampas. (Leigh 2004, p.57)
  • En Amérique du Nord, les Hohokam « irrigaient leurs champs dans le désert de Sonoran. Des canalisations, datées aux alentours de 300-200 av. J-C. incluaient des segments de plus de [24 kilomètres] de long et irriguaient des milliers d’acres. » (Rasmussen 2010, p.9, 119, 185-190)
  • Au Yemen, dans la zone de « Sheba » (= Sabah / Sabaa), autour de la cité de Marib, il y a de fortes plus deux à trois fois par an. Les agriculteurs locaux ont « développé un système d’irrigation immense et sophistiqué, dont certains des barrages et canaux datent du IIIe millénaire av. J-C. » Le barrage de Marib, construit en 750 av. J-C. et réhaussé 250 ans plus tard, a été un ajout important à ce système. Il était régulièrement mis à l’épreuve par la puissance des pluies et les dommages causés par une innondation en 575 de notre ère n’ont jamais été réparés, aboutissant à la destruction de l’édifice. La plupart des habitants auraient fui la région et il aurait fallu atendre 1984 pour qu’un autre barrage ne soit construit à cet endroit. (Rasmussen 2010, p.99-101)
  • Les Garamantes, un peuple du Sahara ayant vécu entre 500 av. J-C. et le IIe siècle de notre ère, ont développé un système d’irrigation de 4 840 kilomètres de long enterré dans le sable reposant sur l’extraction de l’eau d’un aquifère. Leur déclin serait lié au tarissement de ce dernier.
  • Au Japon, l’irrigation s’est développée autour du changement d’ère (-100 à 100), lors de la période « moyen Yayoi », et perfectionnée pour la culture du riz lors du Bas-Yayoi (100-300 après J-C.). (Rasmussen 2010, p.125-126)
  • La Chine avait développé un usage considérable de l’irrigation pendant les dynasties Qin et Han (-206 à 220). Au final, chaque foyer aurait eu « un puit avec un système sophistiqué pour en tirer de l’eau et un réservoir d’eau avec une ouverture vers un canal d’irrigation ». (Rasmussen 2010, p.135-138) Elle avait également développé, il me semble, un système complexe de gestion de l’eau reposant sur les moussons et la culture du riz (à confirmer, c’est l’image des grandes collines/montagnes avec des terrasses).

Les systèmes agricoles antiques à jachère ou « système à deux champs » (Two fields systems)

En l’absence d’irrigation,

et culture attelée légère qui lui a succédé: le champ (ager) était divisé en deux parties, une productive et une jachère, qui alternaient chaque année. Il reposait sur la fertilisation de l’ager par le bétail, qui étaient amené paturer les zones alentours (= le saltus) et dormir sur l’ager.

Autour du foyer Moyen Oriental vers l’Europe, on a essentiellement vu émerger deux types d’agricultures: l’une reposant sur l’irrigation et l’autre sur la pluie et l’élevage. Les premiers, aussi appelés systèmes hydrauliques, sont une des grandes constantes humaines et on en a vu apparaître dans d’autres régions, je vous en parlerai donc.

Dès 6000 av. J-C., les céréales et le bétail avaient atteint l’Europe centrale et le Danube. (Rasmussen 2010, p.4)

L’araire est utilisée dès la fin du 4e millénaire av. J-C. en Mésopotamie. (Rasmussen 2010, p.2)

Ce procédé perdait néanmoins une part importante du fumier, qui restait sur le pâturage ou sur les chemins. Les progrès de l’artisanat et la diffusion des charettes et chariots, permettant de transporte du foin et du fumier, ont permis le développement de l’élavage en stabulation. On optimisait ainsi la production du fumier, ainsi que la productivité des pâturages. Se sont également développées la charrue et l’assolement triennal. C’était le système à jachère et culture attelée lourde.

Une agriculture pas si durable

« The fragility of the ecosystem in the southern Levant is well documented for the past fifteen millennia,6 and the area around ’Ain Ghazal never recovered from an environmental calamity that began around 9,500 years ago while the settlement was enjoying its greatest florescence: unending overgrazing and deforestation for construction and fuel turned the surrounding countryside into a virtual extension of the steppe immediately to the east. »Rollefson 2018


Pour aller plus loin:

  • L’article Wikipedia sur la domestication: extrêmement riche
  • Barker G. et Goucher C., The Cambridge World History, Volume II: A world with agriculture, 12 000 BCE- 500 CE, éd. Cambridge University Press, 2019
    • Simmons 2015 p.210, « Early agriculture in Southwest Asia » in « The Cambridge World History. Volume II. A World with Agriculture, 12,000 BCE– 500 CE », Barker G. et Goucher C. (2015), éd. Cambridge University Press, 2015
    • Rollefson 2015, p. 249, « ’Ain Ghazal, Jordan », in « The Cambridge World History. Volume II. A World with Agriculture, 12,000 BCE– 500 CE », Barker G. et Goucher C. (2015), éd. Cambridge University Press, 2015
  • Noel Kingsbury, Hybrid, The history&science of plant breeding, éd. University of Chicago Press, 2009