« Le changement climatique expliqué à ma fille » de Jancovici

Jean-Marc Jancovici a écrit en 2009 un livre (publié par Seuil), à destination des adolescents, résumant une large part des problèmes climatiques en une centaine de pages: « Le changement climatique expliqué à ma fille ».

Il vulgarise en une centaine de page une vision globale et riche de l’écologie.

Je vais vous en présenter une rapide (<10min) synthèse (de la dernière édition, 2017).

« Le changement climatique expliqué à ma fille » en bref

Le livre se structure comme une discussion entre un père et sa fille, ce qui le rend très facile et agréable à lire.

Toutefois, comme vous le verrez, il n’y a pas de fil logique fort à l’exposé. Ne soyez pas étonnés de passer d’un sujet à l’autre sans lien logique clair (comme dans une discussion).

Le climat change

Le climat n’est pas comme la météo, mais, plutôt, l’agrégation de toutes les météos. Ainsi, un écart de 30 °C des températures à Paris entre l’été et l’hiver est très ordinaire, alors que 5°C de température moyenne à l’échelle mondiale est ce qui nous sépare de la dernière glaciation.

Ainsi, le réchauffement que la planète a connu en passant de la dernière ère glaciaire à « aujourd’hui », c’est juste 5 °C en plus ! Mais cela a suffi pour que la France, qui ressemblait il y a 20 000 ans au nord de la Sibérie actuelle, ressemble à ce que nous connaissons ; cela a suffi à faire monter le niveau de l’océan de 120 mètres ; cela a suffi à augmenter de plusieurs dizaines de pourcents la quantité d’eau qui tombe en Europe ; cela a déplacé les forêts et les animaux, rendu cultivables des terres qui ne l’étaient pas et inversement…

p.7

« Tous les scientifiques compétents sur ce sujet, sans exception, disent que notre espèce est en train de changer le climat ». C’est notamment le cas du GIEC, qui unifie les spécialistes des nombreux sujets (océans, géophysique, hydrologues …) déterminant le climat. L’une de leurs conclusions est que « depuis 1850 l’homme a augmenté de plus de 40 % la quantité de CO2 dans l’atmosphère, et, du coup, significativement augmenté l’effet de serre. » (p.9)

L’effet de serre est la capacité de l’atmosphère à absorber les rayonnements infrarouges que réfracte la surface du sol. Sans effet de serre, la température serait de -18°C sur Terre. S’il existe naturellement, l’activité humaine a libéré de grandes quantités de gaz (dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote) qui augmentent l’effet de serre (=gaz à effet de serre, GES).

Les premiers effets de l’augmentation de température consécutive à l’augmentation des GES se font déjà voir: sécheresse inédite en Californie en 2016, multiplication des records de chaleur, recul rapide de la banquise, début de la fonte du Groenland … Même les émeutes en Égypte, Tunisie et Syrie en 2011, causées en partie par une sécheresse, seraient liées au réchauffement climatique. Et ce ne sont que les prémisses …

L’augmentation des GES et du CO2 est due d’une part à l’augmentation démographique et d’autre part à la civilisation moderne qui

  • déforeste, notamment pour libérer des surfaces pour alimenter le bétail;
  • utilise des combustibles fossiles

Ce surplus de CO2 s’ajoute au CO2 d’origine « naturelle ». Les processus naturels de régulation du CO2 ne sont pas suffisants pour évacuer les deux.

Le réchauffement climatique ne va pas seulement avoir pour effet d’augmenter la température. Il va également avoir beaucoup d’autres conséquences, comme la montée des eaux, émeutes, famines, maladies, guerres …

Quand la mer monte

C’est près du pôle Nord que le climat se réchauffe le plus vite et la banquise est en train de fondre. Ce processus, une fois commencé, va s’accélérer, l’eau réfléchissant moins la lumière que la glace. Toutefois, c’est la fonte de la glace terrestre qui va faire augmenter le niveau des océans.

La fonte du Groenland pourrait causer une augmentation du niveau des océans de 3 à 6 mètres (sur 30max, s’il fondait totalement) d’ici 2500. Celle de l’Antarctique représenterait 10 mètres (sur 80 max) au même horizon. Et encore, avec des prédictions optimistes : il semblerait que la glace fonde plus vite qu’on ne le pensait …

Cette montée des eaux ne serait pas anecdotique et remettrait en question de nombreuses villes, comme cela a été le cas de la Nouvelle-Orléans, dont les digues ont été balayées par un ouragan. Cela pourrait entrainer de grands mouvements de population, sources d’instabilité politique.

Le changement climatique augmenterait le risque de phénomènes climatiques extrêmes, comme les ouragans, et perturberait d’autres phénomènes plus ordinaires, comme le Gulf Stream, avec des conséquences difficiles à anticiper.

Le grand chambardement

On ne sait pas quel sera l’impact du réchauffement climatique: une augmentation de la température de quelques degrés en un siècle serait quelque chose d’inédit dans l’histoire de la Terre. On peut déjà anticiper plusieurs problèmes :

  • Sanitaires

L’une des conséquences possibles est l’augmentation des maladies. Par exemple, il y a plus de choléra au Bangladesh chaque fois que le Pacifique Est est plus chaud que d’habitude. La chaleur elle-même est un problème : si la température mondiale augmente de 3°C, la canicule de 2003 deviendra un été « normal » en France.

  • Agricoles

Tout ce qui pousse dépend des conditions climatiques. Leur changement peut mettre en péril la production agricole en faisant changer la température, mais aussi le rythme et l’intensité des pluies.

  • Forestiers

Les forêts, qui mettent beaucoup de temps à se renouveler, pourraient avoir beaucoup de mal à s’adapter à ces évolutions ainsi qu’aux nouveaux parasites qu’elles peuvent amener (ce qui arrive aux pins canadiens, décimés par le Dendroctone du pin ponderosa).

  • De biodiversité

Les animaux, voyant leur approvisionnement en nourriture et leurs conditions de vie varier auront tendance à disparaître. C’est notamment le cas des populations océanes (poissons, coquillages …), qui sont menacées par l’acidification des océans.

Nous serons d’autant moins capables de répondre que « la contrainte sur l’énergie va augmenter en même temps que les conséquences du changement climatique ».

La saga du pétrole

Le pétrole est le résultat d’un processus complexe alliant décomposition et forces telluriques sur plusieurs centaines millions d’années. Enfermé dans la « roche-mère », il migre lentement vers la surface de la croute terrestre. Nous arrivons actuellement à les reprérer grâce à des sortes d’échographies (à part que l’onde est créée par de la dynamite).

Il va former des réservoirs aux contours irréguliers et peu pratiques. Loin de l’image qu’on a d’un réservoir dont où pourrait « aspirer » tout le contenu, on n’en récupère en fait que 30% en moyenne.

Il n’y en a qu’une quantité limitée. Nous aurions dépassé le pic de production du pétrole « normal » il y a 10 ans (=2006 ?). Si la production a encore augmenté ensuite, c’est qu’on a commencé à extraire le pétrole de la « roche-mère » directement. C’est ce que la presse appelle « pétrole de schiste ». Cette source va néanmoins également s’épuiser. Sur les 3 000 milliards de barils de pétrole extractibles, l’humanité en a déjà utilisé 1 400.

Il y a de moins en moins de pétrole, alors que c’est un élément central de nos vies : un Français consomme un peu plus d’une tonne de pétrole par an
en moyenne, soit plus qu’on ne boit d’eau ! Cela sera imposera notamment de repenser la mobilité, qui repose, aujourd’hui, énormément sur la voiture.

[ Notez que l’électricité est une énergie très carbonée. 40 % de la production électrique mondiale est faite avec du charbon et 22% avec du gaz. Jancovici développe également l’intérêt du nucléaire et le fait que, en France « France, on utilise 6 fois plus de gaz et de fioul pour chauffer les logements que d’électricité nucléaire ». C’est un peu décousu, je passe.]

Un pétrole hors de prix

Si on n’anticipe pas, le prix du pétrole augmentera et, mécaniquement, nous en consommerons de moins en moins. Cette diminution se fera dans la douleur.

L’augmentation du pouvoir d’achat a été essentiellement permise par le fait que l’énergie a été de moins en moins chère. Nous avons une multitude d’ « esclaves » (énergétiques) qui transportent, lavent, cuisent, transforment, etc. C’est sur leur travail que repose notre confort. On pense que l’essence est « chère », mais son prix, rapporté au travail qu’elle produit, est ridicule. Escalader le Mont-Blanc en partant de Chamonix représenterait environ 1Kwh, soit, en essence … 0,1€. Avec l’augmentation du prix du pétrole, nous pourrons de moins en moins nous payer leur service … En bref, le « niveau de vie » va diminuer.

Les voitures électriques ne changeraient rien à ce problème, notamment parce que l’électricité est fortement carbonée et que, pour produire autant de voitures électriques qu’il y a de voitures à essences, il faudrait consommer la moitié des réserves mondiales de lithium. Cela, pour des batteries qui ne dureraient qu’une vingtaine d’années.

Les biocarburants non plus ne seront pas une solution: ils mobilisent de vastes étendues de terre et demandent presque autant de carburant à produire.

S’adapter dès maintenant à ce changement est difficile politiquement, nos démocraties fonctionnant surtout sur le « temps court ». En outre les médias véhiculent une image biaisée des énergies bas carbone. Alors qu’ils ne représentent que 1.4% de la production mondiale, ils vont beaucoup parler de l’éolien et du photovoltaïque. L’hydroélectrique seul représente >4 fois plus : environ 7%!

« Leur métier est de parler des choses nouvelles, de la construction de quelque chose qui n’existait pas avant, et pas nécessairement de ce qui est important. »

p.68

C’est d’autant plus problématique que le pétrole a un rôle extrêmement important dans la production alimentaire, que ce soit pour alimenter les tracteurs, produire les engrais ou plus simplement transporter la nourriture. Il y a deux siècles, 70% de la France était constituée de paysans, qui nourissaient les 30% restant. Maintenant, « avec 1 % de la population dans l’agriculture, on nourrit tout le monde, et avec cinq fois plus de viande par personne ».

Permettre à l’économie de s’adapter petit à petit à la future hausse du pétrole en le taxant de plus en plus permettrait d’éviter un choc de réalité trop violent et de dégager des recettes fiscales.

Des défis pour toi et moi

Nous continuons de polluer parce que l’essentiel des habitants n’est pas conscient de l’urgence et pense qu’on pourra s’adapter « sur le tas », une fois le moment venu. Il y a aussi un problème de génération :

« À 50 ans ou plus, ce qui est l’âge de la quasi-totalité des décideurs ou personnes ayant de l’influence, on n’accepte pas tout d’un coup l’idée que l’on doit revoir en totalité sa représentation du monde, ce qui incite à l’inaction. D’autres, dans cette même tranche d’âge, ne peuvent s’empêcher de penser, même si ce n’est pas dit aussi cyniquement, qu’ils ne seront plus là quand les difficultés se présenteront. »

p.82

Même beaucoup ceux qui savent (et veulent agir) se bercent d’illusions et croient que la technologie va nous sauver.

Nous avons tous une responsabilité dans ce fiasco.

« Mais quand un industriel vend une voiture, qui est responsable de la pollution ? L’industriel qui accepte de fabriquer la voiture, le garagiste qui accepte de la vendre, la compagnie qui accepte de l’assurer, le pétrolier qui accepte d’aller chercher le pétrole, ou le conducteur qui choisit de s’en servir ? »

p.82-83

La responsabilité est répartie entre les acteurs.

Chacun devrait se responsabiliser et devrait commencer à agir dès maintenant.

« Cela implique, par exemple, d’accepter – tout de suite, pas dans dix ans ! – de ne pas forcément aller faire des études longues à la fac, mais de devenir agriculteur, maçon ou menuisier, ou encore de ne pas dire « je laisserai ma voiture dans dix ans, quand il y aura le RER devant chez moi », mais de dire tout de suite « je me lève une demi-heure plus tôt pour aller travailler », même si c’est dur. Il ne s’agit pas de dire « allez, encore un petit voyage au Maroc tant qu’il y a du pétrole », mais bien d’accepter dès maintenant d’aller plutôt dans le Massif Central, même si c’est moins glamour. Et il s’agit de dire tout de suite, haut et fort, que nous acceptons une contrainte significative sur l’utilisation de l’énergie, parce que la préservation de la paix est à ce prix. »

p.83

Nous aurions 30 ans pour agir.

Commentaire

Le livre est un exemple de bonne vulgarisation. À la fois pédagogique, clair et riche, ce livre devrait impérativement être mis au programme du collège-lycée.

Toutefois, il souffre d’un problème qui traverse toute l’écologie: le passage du constat (il y a des problèmes massifs) aux solutions. En l’espèce, il est présenté comme évident: il suffirait de connaître le problème et d’avoir sincèrement envie de changer les choses pour impulser un changement significatif. C’est évidemment faux: pour changer la société, encore faut-il la comprendre. La dimension géopolitique vient encore plus complexifier le sujet.

Le message semble très « colibriste » (« je fais ma part »), moraliste. Je développerai dans un prochain article pourquoi c’est un souci.

En bref: génial pour décrire les problèmes, l’auteur donne une vision discutable et induisant probablement en erreur des solutions.