Boston Metal: l’électrolyse pour décarboner l’acier

Boston Metal est une entreprise issue du MIT travaillant à décarboner la production d’acier par un procédé innovant: l’électrolyse du métal pour réduire (= désoxyder) le minerai de fer. Consommant beaucoup moins d’énergie que son alternative, l’utilisation d’hydrogène, et pourrait même concurrencer l’actuel procédé dominant, très polluant, utilisant du coke en hauts fourneaux.

La réduction de l’oxyde de fer par électrolyse

La solution actuelle polluante: les hauts fourneaux

Pour produire du fer, puis de l’acier, il faut d’abord désoxyder le minerai. En effet, ce dernier est surtout composé d’oxyde de fer. Pour cela, on utilise actuellement un procédé extrêmement polluant: le minerai repose sur un lit de coke (carbone solide) chauffé à très hautes températures (2100°C). Puis, le carbone est enlevé par oxydation, dégageant encore plus de CO2. Au total, la production d’acier représente 6% des émissions de gaz à effets de serre mondiales. C’est la filière BF-BOF (Blast Furnace – Basic Oxygen Furnace).

L’hydrogène pour décarboner l’acier ?

Une solution est d’utiliser de l’hydrogène pour réduire le minerai: exposé à l’hydrogène, l’oxygène du minerai en est extrait sans que ce dernier n’ait eu à entrer en fusion. Toutefois, l’hydrogène est couteux à produire en étant bas carbone et le rendement du procédé n’est pas assuré (est-ce que l’hydrogène est intégralement consommé ?). C’est d’autant plus problématique que l’H2 a un effet négatif dans l’atmosphère: il retarde la dégradation du méthane en CO2, le premier étant un gaz à effets de serre 23 fois plus puissant. C’est la filière DR-EAF (Direct Reduction – Electric Arc Furnace).

La solution Boston Metal

Boston Metal propose d’électrolyser directement le minerai de fer fondu (Melted oxyde electrolysis, MOE), pour générer la réaction suivante « Fe2O3 + e- => Fe + O2″. Le résultat est directement du fer fondu, pas besoin de passer par un four à arc électrique. Le catalyste

Le procédé est tellement révolutionnaire qu’il pourrait même s’avérer plus rentable que l’actuelle solution dominante. En effet, les hauts-fourneaux sont des installations gigantesques représentant des investissements se comptant en milliards d’euros. Au contraire, la solution Boston Metal serait modulaire, pouvant fonctionner à petite échelle. Cela permettrait notamment de rapprocher les installations des mines. Le procédé serait 35% moins cher que la filière BF-BOF.

Le succès de cette technologie, qui électrifie la production d’acier, dépend du développement d’une électricité bas carbone. Combinée au développement de petits réacteurs modulaires intégrant production d’énergie nucléaire, chaleur et électricité, et processus industriels pourrait accentuer cette différence et rendre la filière BF-BOF complètement obsolète.

L’extraction de métaux à faible concentration, non valorisés

Les roches extraites par l’industrie minière peuvent contenir des composés trop peu concentrés pour être exploités. Ces restes, actuellement considérés comme des déchets, peuvent être valorisés par le procédé développé par Boston Metal. L’entreprise a commencé cette activité au Brésil en 2022 et commercialise le métal extrait.

Histoire et avancement de Boston Metal

Histoire de la technologie de Boston Metal, la MOE

Cette technologie est assez ancienne: dès les années 80, un chercheur du MIT, Donald R. Sadoway, travaillant sur une anode pour la production d’aluminium, a développé une cellule électrolytique pour produire du fait: c’était la naissance du MOE. Au début des années 2010, ce chercheur et un collègue du MIT, Antoine Allanore, développent pour la Nasa un moyen pour extraire de l’oxygène sur la lune. Ils développent un système d’électrolyse extrayant l’oxygène de la roche. Vous l’aurez deviné, c’est le présent procédé. Notez que, de la même façon, la recherche spatiale avait été un moteur, aussi pour produire de l’oxygène, dans le développement de l’électrolyse alcaline dans les années 50.

Le problème a longtemps été que le matériau de l’anode était soit consommé pendant la réaction (graphite), soit hors de pris (iridium pour le fer par exemple). La production de fer posait comme challenges supporter une chaleur supérieure à 1538°C (point de fusion du fer) et de résister à l’oxydation et à la corrosion. Ils ont résolu ces problèmes en développant des anodes en chromium. Cette solution, ouvrant la porte à une industrialisation du procédé, a été publié en 2013 dans la revue Nature.

C’est également cette année qu’est né Boston Metal, sous le nom Boston Electrometallurgical Corporation. (source)

Le développement de Boston Metal

L’entreprise a fait plusieurs levées de fonds:

  • Série A, en 2018, 20 millions de dollars, mené par Breakthrough Energy Ventures (BEV), avec également Prelude Ventures et The Engine (et OGCI Climate Investments ?).
  • Série B, en 2021, de 50 ou 60 millions de dollars amenant notamment deux grandes compagnies minières, Vale et BHP (BHP Ventures). Participent également Energy Impact Partners, Piva Capital et Devonshire Investors. L’entreprise passe alors de 8 à 65 employés.
  • Série C, en 2023, de 120 millions de dollars, est mené par la plus grande entreprise de sidérurgie: ArcellorMittal, à travers son fond XCarb® Innovation Fund. Participent également le Climate Innovation Fund de Microsoft et SiteGround Capital.

En 2022, la startup ouvre une filiale au Brésil pour produire des métaux de haute valeur à partir de déchets miniers. Ils prévoient de commercialiser l’outil lui-même en 2023.