Dangers et sûreté de l’énergie nucléaire

L’énergie nucléaire mobilise une puissance extraordinaire, qui n’est pas sans danger: le nucléaire. Elle repose en effet sur la fission nucléaire, qui génère d’importantes doses de radioactivité. Toutefois, comme le requin derrière la vitre de l’aquarium, ce danger est très bien maitrisé grâce à de nombreux mécanismes. Il s’agit de la source d’électricité la plus sure au monde.


Suite aux accidents de Tchernobyl et Fukushima, l’énergie nucléaire apparaît à beaucoup comme étant très dangereuse. Pourtant, c’est en réalité l’une des sources d’électricité les plus sûres. Nous verrons détaillerons ici la source des dangers du nucléaires, la radioactivité, et comment les centrales nucléaires sont conçues pour produire en sécurité.

Partie 1. Les risques nucléaires

Pour bien comprendre la sûreté nucléaire, il faut comprendre les risques qu’elle porte. Nous verrons:

  1. La radioactivité
  2. La libération d’éléments radioactif quand le réacteur fond
  3. La diffusion d’hydrogène dans la centrale
  4. La notion de risque et la notion de danger

1.1. La radioactivité

Radioactif ! C’est un mot qui fait peur, associé dans l’imaginaire à des zones dévastées et mortes, aux bombes atomiques, à des mutations incontrôlées et autres joyeusetés. Pourtant, nous baignons littéralement dedans. Pour le comprendre, il faut revenir à la notion de radioactivité et rappeler quels ordres de grandeur.

Evidemment, la réaction nucléaire produit une radioactivité toxique pour l’humain:

Néanmoins, la dose de radioactivité qu’on reçoit en vivant près d’une centrale nucléaire est triviable et on peut marcher en toute sécurité dans des zones de stockage de déchets nucléaires. Pour le comprendre il faut rappeler quelques ordres de grandeurs:

  • En vivant à proximité d’une centrale nucléaire, vous recevez 0.01µS
  • En mangeant une banane de 150g, vous recevez ~0.12µSv.
  • En passant une radiographie de la colonne lombaire, vous recevez 1.9 mSv.
  • Le seul à partir duquel on peut observer une augmentation de pathologies à long terme est de 100mS/an

Notez que les technologies nucléaires, utilisant les radiations, sont présentées par la FAO comme un moyen d’améliorer les pratiques agricoles, notamment à travers l’innovation variétale.

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter notre article sur la radioactivité.

1.2. Fusion du réacteur et diffusion d’éléments radioactifs

S’il n’est pas assez refroidi, le coeur peu entrer en fusion: le combustible se consume et montre très haut en température, au point de fondre. Des gaz radioactifs sont libérés par la combustion : xénon, krypton, iodes, césiums et tellures. C’est le principal problème des accidents nucléaires graves: cela crée des panaches de particules radioactives qui peuvent contaminer de vastes zones. C’est encore plus grave s’il se met à pleuvoir: les gaz radioactifs vont être captés par l’eau et contaminer gravement la zone survolée. C’est ce qu’il s’est passé sur la zone nord-ouest de Fukushima.

L’iode est impliqué dans le développement de cancers de la thyroide, notamment dans Tchernobyl. Toutefois, il a une durée de vie courte. Au contraire, les césiums eux sont une source de radioactivité durable.

1.3. La diffusion d’hydrogène dans la centrale

Pour les centrales utilisant du combustible avec une gaine en zirconium (c’est le plus courant), il y a un risque de production d’hydrogène à partir de 1200°C. En effet, ce métal va réagir avec la chaleur et s’oxyder, libérant du dihydrogène. Ce gaz, particulièrement difficile à contenir peut facilement s’échapper en dehors des chemins prévus, surtout si la pression est trop forte et si les équipements sont défaillants. Dans le cas de l’accident de Fukushima Daiichi, cela avait fait exploser le toit de trois bâtiments.

1.4. La différence entre risque et danger

Un principe important pour l’ensemble des sujets de sûreté est la nuance entre danger et risque. Un danger est une notion abstraite: un requin est dangereux, l’uranium est dangereux, la javel est dangereuse.

Au contraire, le risque est une notion concrète. Ainsi, en principe vous n’êtes pas dans une situation risquée si vous regardez un requin dans un aquarium, si vous visitez une centrale nucléaire en fonctionnement ou si vous avez un pack de javel chez vous.

Partie 2. Les événements nucléaires notables

Les événements nucléaires sont classé en fonction de leur gravité par l’échelle INES. Il y a d’une part les accidents et d’autre part les incidents.

Notez que les problèmes sont de moins en moins nombreux:

2.1. L’échelle INES

Les événements nucléaires sont classés en fonction de leur gravité par l’échelle INES de 0 à 7.

Les événements d’une gravité de 0 à 3 sont qualifiés de simples « incidents ». Il s’agira par exemple d’un écart avec le fonctionnement normal, qui n’a aucune conséquence en termes de sûreté (niveau 0), d’une anomalie, où on sort du fonctionnement autorisé (niveau 1) jusqu’à l’incident grave, lors duquel est émis un très faible rejet et l’accident est évité de peu. (niveau 3)

Les événements d’une gravité 4 à 7 sont, eux, des « accidents ». Ils supposent la perte des défenses et contamination. A partir du niveau 5, ils impliquent un dommage grave au réacteur ou aux barrières radiologiques. Au niveau 7, il s’agit d’un rejet majeur ayant un effet sanitaire et environnemental considérable.

2.2. Les accidents nucléaires importants

Il y a eu quelques dizaines d’accidents nucléaires. Ceux qui ont le plus marqué les populations sont:

  • Three Miles Island. Cet accident du 28 mars 1979 a causé la destruction d’un réacteur nucléaire et le rejet de vapeur radioactive, qui ne semble néanmoins pas avoir eu de conséquence sanitaire. C’est un événement crucial pour la sûreté nucléaire, qui a entièrement revu ses approches après.
  • Tchernobyl. Le 26 avril 1989, la centrale nucléaire de Tchernobyl entreprend un test pour voir si les circuits de refroidissement d’urgence peuvent fonctionner avec l’énergie résiduelle produite par le réacteur en cas d’arrêt d’urgence. Suite à de nombreux dysfonctionnements, le test aboutit à l’entrée en fusion du réacteur. Les radiations tuent 28 des employés présents sur le site et causent de l’ordre de 4000 cancers de la thyroïde dans la région. De larges zones deviennent « zones mortes », interdites d’accès et une grande arche est construite autour de la centrale en 2017.
  • Fukushima. Le 11 mars 2011, le séisme le plus puissant de l’histoire du Japon secoue la côte, à 180km de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Moins d’une heure après, un tsunami rend inutilisable la quasi-totalité des batteries et générateurs de secours. Privés des outils de monitoring, les opérateurs n’ont pas pu correctement répondre à la perte des circuits de refroidissement dans les jours suivants. Les trois réacteurs opérationnels avant le séisme ont fondu. Cela causa d’importants rejets radioactifs, sous forme de panache, mais aussi par ruissellement des eaux de refroidissement dans l’océan. C’est le second accident de niveau 7 sur l’échelle INES. La radioactivité ne fit néanmoins pas de victime.

Pour aller plus loin, nous vous proposons un article sur les accidents nucléaires.

2.3. Les incidents nucléaires en France

En France, il y a eu deux accidents nucléaires de faible importance (niveau 4): un en 1969 et un en 1980. Les incidents sont toutefois ordinaires. Il y a chaque année environ un millier d’événements de niveau 0, une centaine d’événements de niveau 1 et quelques événements de niveau 2. Il y a eu, dans l’histoire française, 5 incidents de niveau 3.

Ils sont répertoriés par l’agence nationale de sûreté nucléaire (ASN) et, à partir du niveau 1, rendus publics.

Partie 3. Les principales menaces pour les centrales nucléaires

En étudiant les accidents nucléaires, on voit apparaître plusieurs risques de sécurité récurrents:

  • La perte des circuits de refroidissement, amenant la fusion du combustible.
  • Le dysfonctionnement des vannes.
  • Les pertes d’étanchéité.

3.1. La perte de circuit de refroidissement

C’est le risque le plus grave: la perte des circuits de refroidissements. C’est ce qui est à l’origine des grands accidents: l’eau ne refroidit plus correctement le combustible nucléaire, qui se met à fondre et libère de l’hydrogène et ses gaz radioactifs.

3.2. Le dysfonctionnement des vannes

L’une des principale fonctions d’une centrale nucléaire est de gérer les flux liquides (refroidissement) et gazeux, pour limiter la pression. Il y a des systèmes de vannes permettant de gérer les flux liquides et gazeux. Un dysfonctionnement peut avoir des conséquences graves, comme on l’a vu avec l’accident de Fukushima.

3.3. Les pertes d’étanchéité

Enfin, un autre des problèmes récurrents est la perte d’étanchéité. Ce sont les points faibles des systèmes de gestion de flux et la pression peut leur faire perdre leur efficacité. C’est aussi là qu’est le plus susceptible de passerl’hydrogène, qui est une toute petite molécule.

3.4. La corrosion sous contrainte

Un problème récurrent, notamment observé dans les centrales nucléaires françaises récemment, est la corrosion sous contrainte.

C’est un phénomène mal connu.

3.5. Nucléaire et guerre

On peut se demander s’il n’y a pas un risque en cas de guerre près d’une centrale nucléaire.

Néanmoins, il faut relativiser:

  • Cela peut être très dangereux pour les deux camps: le panache radioactif ira dans la direction du vent. Il peut être ramené vers le pays coupable et, s’il pleut, le pénaliser davantage.
  • L’énergie hydraulique, par exemple, est aussi très sensible à ce problème, puisqu’il est possible de faire exploser un barrage pour inonder la zone en contrebas. C’est une tactique beaucoup plus viable militairement, car plus prévisible. La Russie avait d’ailleurs, en attaquant l’Ukraine, frappé le barrage près de Kryvyi Rih le 14 septembre 2022, mettant en danger une ville de 630 000 habitants.

C’est un risque qui s’est concrétisé dans le cadre de la guerre en Ukraine. Ainsi, la centrale de Tchernobyl a été envahie par les troupes russes aux premiers jours de l’invasion d’Ukraine. Il y a même eu un bombardement russe contre la centrale de Zaporijia le 4 mars 2022. Cela n’a pas posé problème pour le fonctionnement de la centrale.

Partie 4. La fin de vie du nucléaire

4.1. La question des déchets nucléaires

Les déchets nucléaires sont définis par le fait qu’ils n’ont pas vocation à être réutilisés (ce qui exclut, en France, l’uranium utilisé). Il y en a de différents types définis selon leur intensité et la longévité de leur radioactivité. Globalement, on peut les séparer entre déchets de faible activité et ceux de moyenne et haute activité. Les premiers sont très volumineux, mais très peu radioactifs. Ils ont vocation à être entreposés en surface. Les seconds sont très peu volumineux, mais très actifs. C’est eux qui seront entreposés dans les installations de stockage géologique profond, lorsqu’elles seront construites.

4.2. Le démantèlement des centrales

Le démantèlement des centrales nucléaires peut sembler quelque chose d’assez lointain, vu que nous n’avons pas eu de cas très médiatisé. Néanmoins, c’est une opération sans vrai obstacle technique et plusieurs réacteurs ont déjà été démantelés. C’est une opération longue (de l’ordre de 15 ans) et couteuse (de l’ordre de 500 millions d’euros).


Pour aller plus loin:

  • IRSN, dossier sur les installations nucléaires : https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Pages/Home.aspx
    • Ex: Le risque nucléaire et sa gestion
    • Sur l’exposition radioactive en cas d’accident : https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-fukushima-2011/deroulement-accident-fukushima-2011/Pages/3-contamination-environnement-japon-suite-accident-fukushima-daiichi.aspx
  • Fil Twitter de Tristan Kamin sur la distinction entre danger et risque : https://twitter.com/TristanKamin/status/1592660332291698689
  • La distinction entre risque et danger expliquée en 1’14: https://twitter.com/Dr_Keefer/status/1585474965922521088
    • L’explication sous forme de fil Twitter: https://twitter.com/Dr_Keefer/status/1585652850062987264
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