Direct Air Capture 2022, rapport de l’IAE, avril 2022

Le rapport publié par l’IEA en avril 2022, « Direct Air Capture 2022« , fait un point sur la captation directe de carbone, son développement et ses perspectives.


Nous allons commenter ici un rapport sur ce sujet: IEA (2022), Direct Air Capture 2022, IEA, Paris https://www.iea.org/reports/direct-air-capture-2022, License: CC BY 4.0

Selon l’IAE, la DAC jouera un rôle important et croissant dans les trajectoires net-zero. Cela permet de gérer les émissions difficiles à empêcher, comme les vols longue distance, et d’absorber même les émissions passées. Dans le scénario de l’IAE visant net-zero en 2050, la DAC capturerait plus de 85 millions de tonnes de CO2 en 2030 et 980Mn en 2050. 350 de ces 980Mn de tonnes seraient utilisés pour produire des carburants de synthèse. Au total, la technologie capturerait 12 Gt de CO 2 entre 2020 et 2050, soit 11% de l’augmentation de capture de CO2 sur cette période.

Cette technologie appartient à l’ensemble « Carbon Dioxide Removal » (CDR), qui contient notamment l’afforestation. L’avantage de la DAC avec stockage géologique du CO2 est la relativement faible consommation d’eau et d’espace, ainsi que la certitude de la permanence du stockage et sa quantification. Elle est au stade de la démonstration (TRL 6) en termes de maturité, il y a donc encore d’importantes perspectives de progrès.

Les technologies de DAC et leur intérêt

Il y a essentiellement deux types de technologies: les DAC liquides (L-DAC) et solides (S-DAC). Dans tous les cas, ces technologies demandent plus d’énergie qu’en sortie de cheminée, après la combustion, le CO2 étant moins concentré. Leur prix est donc 4 à 6 fois supérieur.

  • La Liquid DAC (L-DAC) utilise une solution aqueuse qui va absorber le CO2, puis le libérer pour le stockage. Le processus se produit à très haute températire (300 à 900°C). Il utilise deux boucles fermées: la première se déroule dans le « contracteur » et amène l’air en contact avec une solution aqueuse basique (ex: potasse) capturant le CO2. Ensuite, dans une seconde boucle la solution est chauffée à haute température pour libérer le CO2. L’utilisation d’eau dépend de l’humidité de l’air. A une humidité de 64% et une température de 20°C, on estime qu’il faut 4,7 tonnes d’eau par tonne de CO2.
  • La Solid DAC (S-DAC) utillise une matière solide pouvant adsorber le CO2 dans des conditions normales, et le désorber (= rejeter) à basse pression et températures (80-120°C). C’est la technologie utilisée par Orca, la plus grande installation actuelle. Elle peut, au global, produire plus d’eau qu’elle n’en consomme.

Une différence majeure entre les deux techniques est la chaleur demandée. Si les températures nécessaires pour la S-DAC peuvent être atteintes avec des sources d’énergie bas carbone, comme des pompes à chaleur ou de l’énergie géothermique par exemple, ce n’est pas le cas des hautes températures de la L-DAC, qui supposent l’utilisation de méthane. Le CO2 de sa combustion est évidemment récupéré, mais cela reste un défaut.

D’autres technologies émergent, comme l’ electro-swing adsorption (ESA) et la membrane-based DAC (m-DAC).

  • L’ electro-swing adsorption (ESA) utilise des électrodes qui vont capter le carbone lorsqu’elles sont chargées négativement, puis le libérer (dans le stockage on suppose) lorsqu’elles sont chargées positivement.
  • M-DAC est encore à un stage très expérimental.

Autres aspects pratiques

L’un des avantages de la DAC est sa flexibilité: elle peut être installée à peu près n’importe où. Il reste des tests pour confirmer si cela fonctionne dans des climats extrêmes, par exemple très humides ou pollués.

Il faudra évidemment des méthodes de stockage souterrain pour contenir les grandes quantités de CO2. Il y a de nombreuses cavités, mais l’installation d’un site de stockage pourrait prendre de 3 à 10 ans, ce qui pourrait ralentir le développement de la DAC.

Il faudrait, dans la trajectoire prévue par l’IAE, 6 EJ d’énergie pour alimenter chaque année la DAC, dont 90% de cette énergie destinée à la chaleur.

La plus couteuse des techniques de capture de carbone

La DAC est la méthode de capture de carbone la plus couteuse, ce qui est logique: le CO2 est très diffus dans l’air. Or, plus il est concentré, plus il est facile à capter. Il faut donc davantage d’énergie.

Le prix est estimé à entre 125 et 335$/tCO2 pour une installation de grande ampleur actuelle. Le prix devrait néanmoins ultimement descendre en dessous de 100$/tCO2, potentiellement dès 2030. Cela dépendra notamment de l’évolution du prix de l’énergie.

Le développement de nouveaux usages à ce CO2, comme les carburants de synthèse, pourraient diminuer les prix en donnant un marché à la DAC. Cette piste est néanmoins peu viable actuellement, le prix de ces derniers étant plus de 5 fois supérieur à son équivalent conventionnel.

Le développement de la DAC

De nombreux projets

Il y a actuellement 18 installations de DAC en fonctionnement, au Canada, aux Etats-Unis et en Europe, dont 16 vendent leur CO2. La plus grande installation, « Orca », exploitée en Islande par Climeworks et Carbfix capte 4000tCO2 par an et le stocke par minéralisation en utilisant la chaleur géothermique. « DAC 1« , la première installation à grande échelle, qui devrait capter 1Mn de tonnes de CO2 par an devrait entrer en service en 2024.

1PointFive et Carbon Engineering ont annoncé 70 installations de cette ampleur d’ici 2035.

Les projets actuellement bien avancés représenteraient, si menés à bien une capacité de captation carbone de 5,5Mt en 2030, soit moins de 10% de ce qu’il faudrait.

Climeworks propose déjà au grand public de stocker 1tCO2 pour autour de 1000$ .

Voici la liste des installations présentées par l’IAE :

CompanyCountrySectorCO2 storage or useStart-up yearCO2 capture capacity (tCO2/year)
Global ThermostatUnited StatesR&DNot known2010500
Global ThermostatUnited StatesR&DNot known20131,000
ClimeworksGermanyCustomer R&DUse20151
Carbon EngineeringCanadaPower-to-XUse2015Up to 365
ClimeworksSwitzerlandPower-to-XUse201650
ClimeworksSwitzerlandGreenhouse fertilisationUse2017900
ClimeworksIcelandCO2 removalStorage201750
ClimeworksSwitzerlandBeverage carbonationUse2018600
ClimeworksSwitzerlandPower-to-XUse20183
ClimeworksItalyPower-to-XUse2018150
ClimeworksGermanyPower-to-XUse20193
ClimeworksNetherlandsPower-to-XUse20193
ClimeworksGermanyPower-to-XUse20193
ClimeworksGermanyPower-to-XUse201950
ClimeworksGermanyPower-to-XUse202050
ClimeworksGermanyPower-to-XUse20203
ClimeworksGermanyPower-to-XUse20203
ClimeworksIcelandCO2 removalStorage20214,000
Source : IAE 2022, p.19

Les financements privés

  • Climeworks a levé 650Mn$ en 2022
  • La DAC est l’une des 4 technologies ciblées par le fond Breakthrough Energy Catalyst et est l’une des technologies éligibles au prix Carbon Removal XPRIZE de 100Mn$.
  • Le fond Lowercarbon Capital Fund a annoncé en 2022 son intention d’investir 350Mn$ dans des start-ups développant des technologies de capture de carbone.
  • Enfin, Frontier Climate rassemble plusieurs grandes entreprises annonçant acheter 925 Mn$ en retrait de CO2.

Le soutien des politiques publiques

Il y a de plus en plus de politiques publiques soutenant le développement de la DAC. La plus ancienne réglementation fut la « Section 45Q Credit for Carbon Oxide Sequestration » américaine, en 2008, qui donnait 50$/tCO2 stockée et 35$/tCO2 utilisée pour sortir plus de pétrole. Les réglementation suivantes arrièves en 2019 (Japon), puis 2020 (US, UK, Australie …).

Les Etats-Unis ont mobilisé, depuis début 2020, 4 milliards de dollars pour la DAC. La commission Européenne a financé des projets de DAC à travers le financement de la recherche, comme le programme Horizon.

Pistes de développement

L’IAE propose plusieurs pistes de développement:

  • Démontrer l’efficacité à l’échelle de la DAC en priorité.
  • Favoriser l’innovation sur la chaine de valeur de la DAC, comme le besoin en énergie et en chaleur haute température bas carbone.
  • Identifier les lieux propices au stockage de CO2 et commencer à développer des installations.
  • Adopter des certifications internationales de DAC et de comptabilité carbone autour.
  • Evaluer le rôle de la DAC et autres technologie de capture de carbone dans les stratégies net-zero.
  • Développer la coopération international, à travers des organisations et initiatives internationales, peut jouer un rôle important pour promouvoir le partage de connaissance et ne pas dupliquer les efforts de recherche.